Le centre d’hébergement d’urgence du 70 boulevard Barbès, installé depuis août 2020 dans le nord populaire de Paris, doit fermer d’ici septembre pour laisser place au chantier de la future Maison des médias libres. Environ 40 familles, dont de nombreux enfants scolarisés dans le quartier, vivent toujours sur place sans solution. « Aucune information jamais n’a été donnée aux familles ni aux travailleurs sociaux », dénonce une enseignante du 18ᵉ arrondissement, consternée par la brutalité du calendrier.
Le site, géré par l’association Amli, devait initialement fonctionner deux ans avant que le bail ne soit prolongé en silence. Au printemps, la rumeur d’une fermeture précipitée s’est répandue, confirmée en été : le CHU cessera définitivement son activité le 31 septembre. Les familles n’ont toujours pas reçu de propositions concrètes de relogement. Beaucoup redoutent de se retrouver à la rue alors que les enfants viennent de reprendre l’école.
Dans ce quartier déjà saturé de précarité et de tensions sociales, la fermeture suscite colère et sentiment d’abandon. Des habitants évoquent une « mise à l’écart brutale des pauvres » pour « faire place à un projet vitrine ». D’autres disent craindre de devoir eux-mêmes « trouver un toit à ces familles avant que la rue ne s’en charge ». Une scène de plus, au cœur de Barbès, d’un Paris populaire vidé de ses habitants modestes au nom de la “requalification urbaine”.
C’est annoncé : la maison des médias libres, une idée élaborée depuis une dizaine d’années, devrait ouvrir ses portes en 2026. Après plusieurs tentatives avortées, le Conseil de Paris a voté la semaine dernière, à l’unanimité, l’acquisition d’un bâtiment de 4 000 m2, 70 boulevard Barbès, dans les anciens locaux d’EDF.
Devant une centaine de journalistes, collectifs et ONG de la presse, Agnès Rousseaux, directrice de Politis, a annoncé l’aboutissement de « dix ans de travail acharné », pour, enfin, créer un lieu emblématique de la presse libre, de transmission de savoir, d’éducation aux médias et « renforcer l’écosystème des médias indépendants, porteurs de valeurs de pluralisme », rappelle la journaliste.
Depuis 2016, un collectif de médias indépendants, accompagné par Olivier Legrain, millionnaire de gauche ayant fait fortune dans l’industrie, cherche à créer à Paris un lieu de « travail, de formation, d’accueil et d’échanges en défense d’une presse malmenée », confie Agnès Rousseaux. En 2018, le jury de l’appel à projet « Réinventer Paris » avait rejeté leur candidature pour occuper l’ancien poste de transformation électrique « Nation 1 », boulevard de Charonne, dans le XIe arrondissement. La coalition comptait à l’époque Mediapart, Blast, Basta !, Les jours, Alternatives économiques, ou encore Hors-série.
Elle est relancée deux ans plus tard, cette fois-ci sans Mediapart. En 2023, la foncière Belleville s’associe au projet en tant qu’investisseur et maître d’ouvrage délégué au projet. Les discussions reprennent avec la Ville de Paris, qui concède finalement les vestiges du bâtiment boulevard Barbès, en plein milieu du quartier populaire où le partage de culture de la maison prendra tout son sens.