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Après une semaine de violences fans la région du Limbourg, l’influence des ultranationalistes turcs « Loups gris » inquiète autant que l’inaction des autorités belges. Ce que n’avaient pas bien réalisé les réfugiés d’Afrine, c’est que le Limbourg belge est un fief des nationalistes turcs. La région compte environ un tiers des 450 000 Turcs de Belgique. Lors de la dernière élection présidentielle, Erdogan, qui s’est allié aux Loups gris depuis 2015, y a obtenu plus de 72 % des voix.

Le 24 mars dans la soirée, Heusden-Zolder s’est transformée en champ de bataille entre Turcs et Kurdes. Les incidents ont commencé lorsqu’un convoi de huit ou dix voitures qui rentrait de Louvain, où se tenaient les cérémonies du Newroz, a été attaqué. À l’intérieur des véhicules se trouvaient les membres d’une famille kurde, tous réfugiés de Syrie. Des échanges d’invectives puis des coups s’ensuivent. Depuis, deux récits s’opposent. Les nationalistes turcs, soutenus par Ankara, dénoncent une provocation de « terroristes du PKK » (Parti des travailleurs du Kurdistan). Les Kurdes, minoritaires dans la région, y voient plutôt une brutale « attaque raciste » de l’extrême droite turque, les « Loups gris », et une « tentative de lynchage ».

Memo (les noms ont été modifiés pour respecter l’anonymat des témoins), un Kurde de 30 ans, et sa soeur Dila sont encore sous le choc. Nous les rencontrons à Bruxelles, où ils ont été mis à l’abri depuis l’incident. « Nous sommes originaires d’Afrine en Syrie, nous vivions une vie normale, avec notre culture. Jusqu’à ce qu’en 2018, la Turquie attaque et occupe la région. Nous avons été forcés de fuir notre maison », souffle le jeune homme. Les milices islamistes pro-turques font la loi dans le nord de la Syrie . Toute la famille – une vingtaine de personnes – s’exile en Europe. « Nous croyions qu’ici nous serions dans un pays libre où nous pourrions vivre notre culture et nos traditions de Newroz. C’est ce qu’on nous avait dit au cours d’intégration à notre arrivée. Mais je ne savais pas qu’ici aussi, c’était la Turquie ! » proteste-t-il. 

Heusden-Zolder est effectivement un petit coin de Turquie dans la campagne du Limbourg, ancienne région industrielle à la frontière belgo-néerlandaise. Le long de la Koolmijnlaan, « l’avenue de la mine de charbon » qui traverse l’ancien bassin houiller, les commerces évoquent plus le Bosphore et l’Anatolie que la Flandre : pâtisserie « Baklavaland », restaurant de poisson « Marmara », étal de boulettes de viande au boulgour, boutiques d’accessoires de mariage, bijouterie turque… Dans les cafés, on diffuse les matchs de football et les informations du pays d’Erdogan. Les soirs de fête, on s’invite au restaurant de grillades, pâle copie de celui de Salt Bae, le cuisinier turc star des réseaux sociaux, prisé des footballeurs et des voyous. Au bord de l’avenue de la mine de charbon, on peut ainsi déguster des steaks en or de 24 carats comme à Dubai… Halal et sans alcool. Les immigrés de Turquie ont apporté leur mode de vie, leurs associations religieuses et politiques. Ils ont aussi importé et amplifié les tensions qui traversent la Turquie et le Kurdistan. […]

À Heusden-Zolter, à la nuit tombée, des escouades de jeunes militants, entièrement vêtus de noir et armés, installent des barrages filtrants et contrôlent les passagers des véhicules. Les Loups gris font la loi. À Gand, un groupe s’est baptisé GÖH ou « Forces spéciales de Gand » en turc, reprenant ainsi les codes des unités d’élite de la police antiterroriste turque déployée dans les régions du Kurdistan. […]

Le Point

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