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La polémique autour de la star francophone franco-malienne (naturalisée en 2021), Aya Nakamura , pressentie pour chanter aux JO, en dit long sur les bouleversements qui transforment le pays.

 […] Si Aya Nakamura est au coeur des discussions, c’est surtout parce qu’elle est le symbole – malgré elle – des fractures d’une société française qui se transforme et se divise. La preuve. Sur le plan linguistique, d’abord, elle serait tout à la fois l’ambassadrice d’une langue française gaiement métissée et l’expression d’un certain déclin linguistique. Entre les deux, un monde d’écart. […]

Même s’il ne lui est pas demandé d’interpréter ses propres textes aux JO, mais bien un titre de Piaf, le niveau de langue d’Aya Nakamura est rapidement associé au « parler banlieue », à la culture « urbaine ». Quelqu’un qui chante dans ce français-là peut-il représenter le pays ? « Deux Frances se font face. Celle ouverte à la modernité, plutôt jeune, vivant en zone urbaine ou périurbaine, au contact du phénomène migratoire. Et celle attachée à la tradition, plus endogène », décrypte Sami Biasoni, qui a dirigé en 2022 l’essai collectif Malaise dans la langue française (éditions du Cerf).

Assimilationniste en théorie, l’intégration à la française a peu à peu glissé vers un modèle multiculturaliste « de fait », surtout à partir des années 1980, avec le célèbre droit à la différence, et aujourd’hui très en vogue chez les néoprogressistes et au sein des jeunes générations. Le multiculturalisme, pour simplifier, consiste à défendre – et parfois à encourager – une vision de la société dans laquelle coexistent plusieurs communautés culturelles.  […]

Aya Nakamura, justement, qui a grandi à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), se revendique surtout du Mali, pays dont elle conserve la nationalité. Interrogée en 2023 sur ses liens avec les Maliens au micro de TV5Monde , soit deux ans après l’obtention de la nationalité française, elle répond : « C’est mes tantes, c’est mes oncles, c’est mes frères, c’est mes soeurs. C’est des gens de la même nationalité que chez moi. » Un discours aux antipodes du modèle assimilationniste, qui suppose un « arrachement » à la communauté d’appartenance traditionnelle.

C’est là que le bât blesse, aux yeux d’une partie de l’opinion publique. Il ne lui est pas reproché d’être noire, comme on l’entend à tort parfois, mais seulement de ne pas incarner cette promesse assimilatrice. « Le processus d’assimilation requiert des efforts supplémentaires de part et d’autre. On ne retrouve pas chez Aya Nakamura ce qu’il y a de charnel vis-à-vis de la France éternelle, ni de preuves d’amour. Or les Français sont attachés aux preuves d’amour, aux marques de reconnaissance et n’ont cure de la couleur de peau », observe Sami Biasoni. Cette perception de non-représentation de l’identité française se vérifie aussi dans son style musical, aux influences afrocaribéennes, ainsi que dans ses clips, imprégnés d’imaginaire afro-américain. […]

Cette hybridation à laquelle les jeunes seraient plus sensibles s’explique bien sûr par la mondialisation, mais aussi et surtout par l’immigration. Dans un autre livre, La France d’après, que Jérôme Fourquet vient de publier chez Seuil, l’analyste politique observe, chiffres à l’appui, « un rythme soutenu des flux migratoires entrants depuis la fin des années 1990 » et aujourd’hui de « nouvelles vagues d’immigration issues de l’Afrique de l’Ouest (Niger, Sénégal, Togo, Mali…).

Le nombre de nouveau-nés français portant des prénoms féminins régulièrement donnés dans cette région africaine a été multiplié par plus de trois en quarante ans, passant d’environ 800 Fatoumata, Aminata, Hawa, Awa, Fanta, Bintou, etc., dans les années 1980 à précisément 2 657 en 2021. Et si Aya Nakamura était, déjà, la France de demain ?

Le Point

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