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Alors que les négociations sur l’autonomie sont en phase finale, l’arrivée sur l’échiquier d’un nouveau leader identitaire et ultra-conservateur, Nicolas Battini, bouscule l’île. Cet ex-indépendantiste remet en cause les fondamentaux d’accueil et d’intégration corse. Il crée aujourd’hui son parti.

Dans le vaste palais des congrès d’Ajaccio, la journée est dediée au repérage avant le premier meeting de “Mossa Palatina”. Vidéos, agents d’accueil, et 200 à 400 personnes attendues : Nicolas Battini et ses proches assument de voir grand. “On y va !” martèle le leader, qui veut prouver à cette occasion l’assise populaire de Palatinu, son association créée il y a plusieurs mois, et qui débouche aujourd’hui sur un parti politique.

D’indépendantiste à identitaire
Sur la terrasse du Palais Congrès, vue sur mer, Nicolas Battini, costume tiré à quatre épingles, raconte volontiers son passé. Incarcéré a 19 ans après une tentative d’attentat à l’explosif contre la sous-préfecture de Corte, c’est en prison, en région parisienne, qu’il change, dit-il, progressivement d’idéologie.

“Le jeune tiers-mondiste que j’étais et qui pensait que le monde était toujours divisé entre le Nord impérialiste et le Sud, a connu une de ses grandes dissonances majeures lorsqu’il a pu assister aux cris de joie de la moitié de l’établissement dans lequel j’étais incarcéré, à l’occasion des massacres du Bataclan. C’est peut-être la première fois que j’ai ressenti une véritable appartenance occidentale.”
Première rupture donc après les attentats islamistes de novembre 2015. Mais la vraie cassure a lieu en mars 2022. Yvan Colonna est assassiné à la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône), la Corse s’embrase, les nationalistes accusent l’État. Nicolas Battini lui, y voit seulement l’acte d’un islamiste radical. Il décide alors de proposer une offre politique inédite en Corse, ethniciste, et ciblant avant tout l’immigration venue du Maghreb. “Je ne supporte pas que des gens qui m’ont dit pendant 50 ans ‘les Français dehors’, disent aujourd’hui ‘l’Islam dedans, pas de problème’.”

Le “Zemmour Corse”
Sur une île où Marine Le Pen a remporté le second tour de la présidentielle, où Eric Zemmour a réalisé un score bien au-delà de la moyenne nationale, ce discours identitaire ne laisse personne indifférent. Ultra vigilance des autres mouvements et séduction d’une partie de la population. Fabien, patron de bar dans le centre d’Ajaccio, ne s’est jamais reconnu dans les autres mouvements nationalistes : “Je ne me suis jamais considéré comme un colonisé. On est beaucoup à se sentir beaucoup moins seul depuis que Palatinu existe”. Moins seul… 700 adhérents sont revendiqués. Palatinu est encouragé aussi par Reconquête, le parti zemmouriste, avec qui Nicolas Battini entretient de bonnes relations. “Battini, c’est le Zemmour corse”, grince un adversaire.

Des liens avec Reconquête et des méthodes similaires
Bousculer l’opinion après un fait divers, c’est ce que Palatinu a fait il y a quelques semaines à Paese Novu, un quartier de Bastia. Après une rixe, 600 personnes se rassemblent autour de l’association pour dénoncer “la banlieurisation de la Corse”, et cela, sans attendre le résultat de l’enquête. À Paese Novu, le discours raciste se banalise, regrette Noelle, 65 ans, rencontrée au centre social : “C’est à dire que demain, moi je suis Corse, je me bats avec quelqu’un qui est Corse, automatiquement on va y mêler la population d’origine maghrébine. Toujours, c’est eux qui trinquent. Il y a un racisme des deux côtés qui montent en puissance.”

Devant le centre, Jean-Félix Acquaviva, député de Haute-Corse, connaît bien Nicolas Battini, qui fut son collaborateur avant la rupture. Lui défend fermement la tradition d’accueil de l’île. “On a tous connu dans nos villages des gens qui venaient du Vietnam, qui étaient Vietnamiens, et qui sont devenus des Corses à part entière. Donc nous sommes et avons été une communauté de destins. Et dire que ça ne peut pas être le cas aujourd’hui, c’est quoi donc ? Le sang donc ? Non, nous ne sommes pas d’accord, ça n’a jamais été notre culture.”

Jean-Felix Acquaviva pour qui l’autonomie sera à la fois la réponse à l’inquiétude démographique bien réelle des Corses et le rempart aux discours de repli. Quand Nicolas Battini promet lui de mener, ni plus ni moins, “une croisade” pour conquérir la mairie de Bastia.

France Inter, le 7 10

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