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Un recours de Reporters sans frontières devant l’autorité administrative, jugé ces jours-ci, pourrait bien ouvrir la voie à une évolution de la façon dont le régulateur des médias fait respecter l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion à la télévision.

D’une chaîne d’information à une chaîne d’opinion. Le modèle inédit créé par CNews, avec ses débats en continu sur des thématiques d’extrême droite avec des commentateurs d’extrême droite, a perturbé le paysage télévisuel ces dernières années. Au point de remettre en cause l’autorité du régulateur des médias, l’Arcom, régulièrement accusé de mollesse face à l’émergence de ce Fox News à la française. La chaîne du groupe Canal +, propriété de Vincent Bolloré, se voit ainsi souvent reproché de contourner, plus ou moins adroitement, ses obligations légales d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information.

Mais cela pourrait bien changer prochainement, à la suite d’un recours de Reporters sans frontières devant le Conseil d’Etat. L’ONG de défense de la liberté de la presse pourrait en effet obtenir gain de cause dans sa demande à l’Arcom de mettre en demeure la chaîne du groupe Canal + pour non-respect de ses obligations. A l’origine, cette demande, portée en novembre 2021, avait été rejetée par l’autorité de régulation, qui estimait avoir rempli son rôle vis-à-vis de CNews. RSF avait alors choisi d’effectuer un recours auprès du Conseil d’Etat.  […]

En clair, si le Conseil d’Etat suit le rapporteur public, charge à l’Arcom de trouver un moyen de limiter la prolifération d’opinions d’un même bord politique sur une même chaîne de télé (en l’occurrence, pour CNews, l’extrême droite), et faire ainsi respecter le pluralisme. Comment faire ? La tâche pourrait alors s’avérer compliquée pour l’Arcom. Mais, comme l’a déclaré vendredi le rapporteur Florian Roussel durant l’audience : «Un contrôle plus global du pluralisme est délicat à mettre en œuvre, mais cela ne justifie pas le renoncement du régulateur à le traiter».

«C’est vrai qu’il y a quelque chose d’aberrant à ne pas prendre en compte le point de vue des personnes qui s’expriment, et de ne prendre en compte que leurs identités, a réagi Thibaut Bruttin, adjoint au directeur général de Reporters sans frontières, après l’audience. Visiblement, le rapporteur public ne suggère pas un mode d’action mais renvoie le régulateur à ses responsabilités. C’est à l’Arcom de trouver une solution à cette problématique. A mon sens, l’Arcom a fait jusque-là des choix très restrictifs. En 2024, à une époque où la sémiologie et les études médiatiques sont très développées, on peut trouver des façons différentes de comprendre le pluralisme. Il ne s’agit pas seulement de qui parle, mais aussi de quoi on parle. D’ailleurs, on voit bien l’arbitraire dans ces cas-là, avec des politiques ayant démissionné de leurs mandats pour pouvoir continuer à se rendre sur les plateaux télé. C’est l’absurdité du système qui atteint ses limites.» […]

Libération

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