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Fatou Diome, autrice franco-sénégalaise, lance un appel aux migrants : restez dans votre pays, au soleil, plutôt que de venir mourir de froid, de faim, de solitude en Europe. Sa vie est un roman. Elle ne cesse de l’écrire. La nuit. Toujours la nuit.

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Vous dites à vos amis sénégalais mais aussi à l’ensemble des migrants : “restez chez vous, ne venez pas en Europe. Vous devez enrichir vos pays de vos mains et de vos cerveaux et non suivre les chimères de l’eldorado européen…”

Cela me vaut toujours une volée de bois vert… Les études m’ont donné une clé pour le monde. Le problème est que beaucoup de migrants viennent sans maîtriser la langue, sans formation. Ils se mettent en danger parce qu’ils ne peuvent pas se défendre dans le milieu hostile qu’ils vont rencontrer. Quand je leur demande de rester, je le leur demande par amour, par compassion, par solidarité. Si mon frère sénégalais se retrouve dans les rues de Strasbourg par ce froid, je préfère qu’il soit dans son village, au soleil, au Sénégal, qu’il voit ses cousins, ses cousines, ses tantes. Quand il a le blues, quelqu’un de sa famille est à côté de lui. S’il vient ici, c’est la solitude, la misère. C’est pour protéger leur dignité humaine, pour sauver leur vie, pour ne pas les mettre en danger que je dis cela. En Europe, personne ne ramasse des lingots d’or par terre. En Alsace, je nettoyais des maisons plus sales que la mienne. Je nettoyais les toilettes des autres pour mériter la mienne. C’est cela le prix de la dignité : où que l’on soit, il y a un prix.

Pardon pour la réflexion mais si un “Blanc” tient ce même discours, on le prendra pour un raciste…

Oui, je sais. Certains racistes traitent les migrants comme des chiens. Mes arguments ne sont évidemment pas ceux de l’extrême droite. Mais moi, je peux le dire à mes amis africains : au lieu de galérer en Europe, de dormir dans les rues, restez chez vous au soleil. Certains laissent dans leur pays une maison plus jolie que les trous pourris où ils dormiront ici. Le problème est que certains émigrés racontent des mensonges sur la vie qu’ils ont construite en Europe. Ils font un crédit pour acheter un billet d’avion, un beau jeans, des lunettes Ray ban, une fausse Rolex… ils mettent les pectoraux en évidence et font croire qu’ils sont heureux ici alors qu’ils ont bouffé des pâtes et des patates toute l’année. Cela fait rêver ceux qui veulent partir. Moi je dis la vérité.

Vous ne pouvez pas empêcher les gens de partir…

Si quelqu’un veut tenter sa chance, c’est sa liberté de bouger évidemment. Mais la prison européenne est la mieux gardée du monde. La façon la plus digne de voyager est de voyager libre, pas de mourir sur des embarcations au large de Lampedusa. Si j’avais dû continuer à faire des ménages en Alsace, je crois que je serais rentrée dans mon village. Au soleil, là où la place est gratuite pour tout le monde. Il y a des noix de coco, des mangues, du poisson frais. Mais je dis aussi aux Européens : arrêtez de dire aux Africains qu’ils doivent rester chez eux en allant leur prendre leur pain de la bouche. Quand j’étais petite, nous vivions très bien, tout le monde mangeait à sa faim. Maintenant, les grands chalutiers et autres bateaux de pêche français, chinois, japonais viennent pêcher jusque dans notre estuaire. Quand je retourne dans mon pays, je ne trouve plus une tranche de thon frais. À Strasbourg, dans mon supermarché, je trouve des boîtes de thon où il est mentionné : origine Sénégal. Il faut arrêter cela. Fondamentalement, chacun a envie de rester dans le pays où il est né. Or ils quittent la misère.

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La Libre

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