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« Beaucoup d’entre nous avions du mal à concilier notre judéité avec nos engagements politiques », explique Simon D., 28 ans, membre du collectif Tsedek ! [« justice » en hébreu], qui se revendique juif et décolonial. (…) « Je ne me retrouve ni dans la gauche de Mélenchon ni dans la communauté juive en France. Je voudrais juste qu’il n’y ait pas de morts civils, mais il est difficile de trouver une voix qui veut juste la paix », ouvre plus globalement Samuel Chalom, journaliste de 30 ans dont le père est juif iranien. L’avocat Arié Alimi, juif de Sarcelles engagé contre les violences policières et l’islamophobie, traduit : « C’est très dur : on est sur la ligne Maginot et on prend des balles des deux côtés. C’est un écartèlement par les uns et par les autres. »

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Deborah a l’impression que sa famille est aveuglée par les horreurs du 7 octobre. La peur l’a emportée. « Pour eux, c’est la solidarité avant tout. » Même s’ils ne sont pas d’accord avec la politique du gouvernement de Netanyahou, il ne faudrait surtout pas montrer la moindre faiblesse dans leur soutien pour le peuple juif. Un soir, alors que la cheffe de projet dans une ONG explique qu’elle ne peut pas défendre Israël en ce moment, des larmes montent aux yeux de son père. Sa mère la comprend encore moins : « Elle m’a dit qu’en ce moment je m’éloignais de mon identité, qu’elle avait l’impression que je m’en fichais. » Le récit de Déborah est douloureux. « Je lui ai expliqué qu’on n’était pas d’accord et que je n’avais pas envie de leur faire de la peine », termine-t-elle.

La mère de Soré (1), juive ashkénaze d’extrême gauche membre d’Oraaj (Organisation révolutionnaire antiraciste antipatriarcale juive), lui a carrément dit qu’elle « déshonorait la famille ». L’enseignante en art assume et s’en fiche un peu : « Il y a quelque chose de générationnel qui nous fait rompre avec la culpabilisation qui nous oblige à prendre parti aveuglement pour Israël. » Julia (1), Parisienne de 30 ans qui travaille dans la culture, a aussi dû supporter des paroles qui minimisaient la souffrance des Palestiniens pendant les réunions de famille. (…) D’autres ont des proches qui ont fait leur Aliyah et sont partis vivre en Israël. Plusieurs personnes interrogées par StreetPress racontent leur attachement à l’État hébreu, considéré comme un refuge inaliénable. Selon des chiffres de la police, plus d’un millier d’actes antisémites ont été enregistrés depuis le 7 octobre. Des familles enlèvent les mezouzas des portes d’entrée, d’autres changent leur nom sur la boîte aux lettres, effrayées par les agressions et les gestes de haine. « J’ai senti ma mère complètement s’effondrer, se sentir abandonnée. J’avais beau lui envoyer des articles de personnalités publiques qui parlaient du massacre, je me suis rendue compte que c’était un besoin de reconnaissance beaucoup plus large », déballe Fanny (1), avocate de 27 ans, dont des membres de la famille ont été déportés : « Quand je vois de la peur dans le regard de ma mère, je n’ai pas envie de la shamer, mais de la comprendre. »

Assigné comme juif par la gauche
Le médiatique avocat Arié Alimi raconte, lui, avoir l’habitude d’être rejeté par ses pairs. Dès 2014, il est attaqué par la communauté juive de Sarcelles (95) dont il est issu, pour avoir défendu Nabil Koskossi. Le militant associatif organise à l’époque une manifestation pro-palestinienne dans la ville du Val d’Oise. Interdite, la marche dégénère en émeutes antisémites. « Ce qui s’est passé après ne lui était pas imputable, je l’ai lavé de tout soupçon. Mais depuis, je suis un peu le juif renégat alors que j’estimais faire mon boulot. » Aujourd’hui, c’est par une partie des militants de la gauche décoloniale qu’il a l’impression d’être injustement rejeté. « On demande aux juifs qui ont un engagement décolonial de renier leur sentiment premier. Le 7 octobre, j’ai vu un abîme de l’humanité. J’étais effondré, terrorisé. De la même manière que je ressens de l’horreur lorsqu’il y a des bombardements à Gaza et que je refuse qu’on les justifie par le 7 octobre », déroule-t-il.

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Street Press

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