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Après le vote, le 19 décembre, de la loi relative à l’immigration, est-il possible d’échapper au psychodrame qui semble s’emballer ? Rien n’est moins sûr. Il faudrait, pour cela, que ceux qui l’alimentent jusqu’aux extrêmes ouvrent leur focale afin de comprendre pourquoi les évolutions en cours ne sont pas propres à la France. Ils pourraient ainsi constater que, dans bien des domaines, les mesures qui viennent d’être adoptées demeureront, vis-à-vis de l’immigration, plus ouvertes que ce qui se pratique dans les principaux pays de l’Union européenne.

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Elles le resteront également dans le domaine de l’hébergement d’urgence inconditionnel, qui demeure même pour ceux qui ont une obligation de quitter le territoire français tant qu’ils ne sont pas reconduits. Un dispositif social où la France est championne en Europe, tant en nombre de places ouvertes que de crédits mobilisés, avec plus du tiers des dépenses consacrées à ce sujet dans toute l’Union.
Elles le demeureront aussi par l’introduction dans la loi d’un mode de régularisation qui atteste de l’importance reconnue aux travailleurs immigrés. Certes est discutable le retour d’une obligation de démarche volontaire afin d’acquérir la nationalité française, imposée à quelques milliers de jeunes, entre 2 000 et 3 000 par an, à l’âge de 18 ans. Dispositif que l’on trouvait déjà dans l’ordonnance du gouvernement provisoire de la France du 19 octobre 1945, signée par les illustres résistants Pierre-Henri Teitgen, garde des sceaux [au moment] de la Libération, et le communiste Charles Tillon, et dont le rétablissement avait déjà été proposé en 1987 par un fonctionnaire à l’intégrité morale reconnue, Marceau Long.

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Peut-on accueillir tous ceux qui se considèrent comme victimes des désordres économiques du monde ? L’émotion populaire, si elle estime légitime d’accueillir les persécutés, répond non. Il n’est pas certain que les appels à la « résistance » – émanant d’édiles à la tête des villes les plus riches de France que sont obligés de déserter les pauvres, les ouvriers, les employés modestes, et bien sûr les immigrés – puissent la convaincre du contraire.
Notre Europe est le lieu d’une symbiose particulière, où le développement de la démocratie s’est appuyé sur la construction d’Etats sociaux. D’où le fait qu’elle fait envie, et ce d’autant qu’elle est loin d’être une forteresse, comme l’attestent les évolutions démographiques. Or, la dynamique de la mondialisation a déséquilibré les structures sociales européennes construites sur la longue durée. Elle a notamment réussi à démanteler les bastions ouvriers qui avaient été le cœur des mobilisations pour la conquête et la défense d’acquis sociaux. Ironie tragique, cette mondialisation s’est appuyée sur les défaites des mouvements d’émancipation pour mieux bousculer les Etats sociaux européens.

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A ne pas vouloir analyser le pourquoi des inquiétudes, tout en continuant à faire injonction aux démunis d’accueillir plus démuni qu’eux, les progressistes ne sont pas près d’arrêter ce mouvement mortifère qui, dans trop de pays d’Europe, amène l’extrême droite à devenir le recours politique de catégories populaires en souffrance. Voilà où nous en sommes.

Le Monde

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