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«Écartelé» entre Alger et Paris, Chems-Eddine Hafiz se trouverait ainsi dans une position «intenable», en «homme sincère qui essaye de tenir ses deux allégeances», avance l’un de ses amis. De fait, en août 2021, le recteur avait publié des propos tranchés contre les extrémistes musulmans dans son ouvrage Manifeste contre le terrorisme islamiste (Erick Bonnier Éditions.) Le responsable disait vouloir «garantir une cohabitation digne, sereine et pacifique entre l’islam et la République». Il appelait ainsi à la «distinction» entre «la religion musulmane et l’idéologie islamiste» car «négocier» avec «l’islam politique», c’est mettre «l’avenir des générations futures (…) entre des mains tachées du sang des victimes». L’un de ses nombreux ennemis corrige, en affirmant que cet avocat «n’a pas peur des contradictions, avec un discours pour ici, Paris, et un pour là-bas, Alger». Selon un autre connaisseur du dossier, cet «habile politique» a désormais touché «la limite de l’exercice d’équilibriste. Le 12 novembre, il ne pouvait pas appeler à la manifestation contre l’antisémitisme. Ce point était considéré par Alger comme une ligne rouge à ne pas franchir. Hafiz n’a aucune indépendance vis-à-vis de l’État algérien qui est son bailleur de fonds».

Une interview croisée de Chems-Eddine Hafiz et du grand rabbin de France Haïm Korsia, le 26 octobre sur BFMTV, confirme cette dernière hypothèse. En plein conflit au Proche-Orient, le recteur de la Grande Mosquée de Paris avait affirmé: «La communauté juive souffre aujourd’hui, et nous souffrons avec elle, il est anormal qu’un musulman soit antisémite.» Ce dialogue avec le plus haut représentant du judaïsme français lui a instantanément valu une pluie de critiques dans les milieux musulmans, en France et en Algérie. Jugé trop proche du grand rabbin de France, il a été discrètement «convoqué» à Alger, selon une source proche du renseignement, pour être «recadré». Le 30 octobre, lors d’une interview au média algérien TSA (Tout sur l’Algérie), le recteur se voyait presque contraint de rendre des comptes. Un autre média, ObersvAlgérie, commentait quant à lui: par ses «déclarations» sur BFMTV, «Chems-Eddine Hafiz a provoqué un véritable tollé en Algérie» et une «colère croissante», certains demandent «sa destitution pour ne pas avoir suivi la position de l’Algérie concernant le conflit (au Proche-Orient)». Une crise ouverte qui a conduit le responsable à contredire ses propos publics dans une lettre destinée à rassurer ses troupes au sein de la Grande Mosquée de Paris.

Interrogé par Le Figaro sur les accusations de «double langage», Chems-Eddine Hafiz répond: «Je ne tiens pas un double langage, je suis simplement resté dans le camp de la paix. Après le jour terrible du 7 octobre 2023, la situation a très vite évolué: être dans le camp de la paix signifiait, selon moi et beaucoup d’autres, appeler à la fin des bombardements sur la population civile de Gaza, au cessez-le-feu, à la libération des otages, à la construction d’un État palestinien et, par ailleurs, à ne pas importer le conflit en France en l’interprétant comme une opposition entre musulmans et juifs.» Chems-Eddine Hafiz récuse également toute alliance avec les Frères musulmans: «Je n’ai passé aucun accord avec la fédération Musulmans de France depuis le 7 octobre 2023, ni avant. J’ai seulement signé un communiqué commun, très clair, pour “soutenir les efforts de paix et d’apaisement au sein de la communauté nationale française”.»

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Le Figaro

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