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Sortie de “Napoléon” par Ridley Scott (MàJ : Pour l’historien Patrice Gueniffey le film est caricatural sur l’empereur)

L’historien Patrice Gueniffey, auteur notamment d’un monumental Bonaparte (Gallimard, 2013) et de Napoléon et de Gaulle. Deux héros français (Perrin, 2017), a vu le Napoléon de Ridley Scott. Un Napoléon parlant anglais, une Joséphine omniprésente, des batailles hasardeuses… cet énième biopic de l’Empereur l’a laissé pour le moins dubitatif.

Le Point : Que retient du film de Ridley Scott un spectateur qui ne sait presque rien de Napoléon ?

Patrice Gueniffey : Il retiendra qu’il est un fils de la Terreur révolutionnaire – d’où ce début où il aurait assisté à l’exécution de Marie-Antoinette, l’une des multiples erreurs historiques du film, alors qu’il était au siège de Toulon – qui a terrorisé ensuite toute l’Europe. D’où le bilan final des morts – totalement fantaisiste – donné lors du générique de fin. Rien sur l’homme politique, le bâtisseur, rien sur le géopoliticien, rien sur l’homme de pouvoir, le manipulateur implacable, insensible, caractéristiques qui ne sont pas à son avantage, que ce réalisateur aurait pu essayer de restituer puisqu’il n’aime visiblement pas Napoléon. La seule exception est une brève scène avec l’empereur François d’Autriche que l’on ne saisit pas si l’on n’est pas au fait des enjeux politiques. Pour le reste, nous avons droit à la caricature d’un ambitieux, l’ogre corse, rustre renfrogné, doublé d’un mufle avec son épouse, Joséphine. Au fond, Ridley Scott renoue, involontairement peut-être, avec la vieille caricature qui a été faite de Napoléon juste après sa chute, venue de la Restauration ou de l’ennemi anglais au moment du Congrès de Vienne. Il n’est guère servi, il est vrai, par un Joaquin Phoenix trop âgé pour le rôle qui, du début jusqu’à la fin, affiche un regard vide et une mine sombre. Comme le soulignait Mme de Staël, Napoléon fut célèbre, au contraire, pour son regard de glace et son sourire très séduisant.

Est-ce au fond le film d’un Anglais sur l’un des héros français controversés ?

On peut raisonnablement le penser tant il rabaisse systématiquement le personnage. À 24 ans, lors du siège de Toulon, il en fait un pleutre. Lors du coup d’État du 18 Brumaire, il le ridiculise en le faisant se battre et tomber comme un vulgaire garnement. Lors de la campagne d’Égypte, il le fait bombarder les pyramides – ce qui ne fut jamais le cas – alors qu’il emmena des dizaines de savants pour étudier cette civilisation. Lorsqu’il dicte une lettre, il a l’air hésitant, stupide, alors qu’il épuisait ses secrétaires à dicter. Lors du sacre, il n’est pas à agiter la couronne comme s’il avait gagné à la tombola. Et le tout est à l’avenant. Il le rabaisse tellement qu’il donne à croire que Joséphine – incarnée du reste par une excellente actrice, manière peut-être de renforcer ce renversement – lui était supérieure au point de conclure que, la prochaine fois, ce serait elle l’empereur. Certes, la femme est l’avenir de l’homme, mais en souscrivant à une telle vision woke de l’Histoire, Ridley Scott ne se rend pas compte de l’absurdité logique à laquelle il parvient : comment un tel personnage aussi benêt, aussi médiocre et ridicule, serait arrivé à écrire une telle destinée.

(…)

Le Point

Merci à Bourbon

10/07/2023

Bande-annonce du film “Napoléon” réalisé par Ridley Scott : sortie en novembre prochain

En version française et anglaise (non sous-titrée) :

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