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Dans un livre paru ce 5 octobre, l’ancien secrétaire général de l’Elysée sous François Hollande, Jean-Pierre Jouyet, raconte comment, lui, le représentant brillant de la technocratie à la française, passé par les plus hauts postes administratifs et politiques de la République, s’est fourvoyé toute sa carrière. (…) « Lorsque j’étais aux affaires, se souvient-il avec une candeur confondante, je considérais cette défiance croissante avec une certaine stupéfaction, tant j’étais convaincu que nous faisions tous, individuellement et collectivement, de notre mieux. […] Avant, je ne voyais pas ou je minimisais l’importance de la bureaucratie et son rôle souvent néfaste pour la bonne marche du pays. Je savais qu’elle existait, bien entendu, puisque j’en faisais partie. Mais pour dire toute la vérité, je n’ai jamais eu à la subir. Je disposais de collaborateurs capables de m’aider à accomplir toutes les formalités, voire m’en décharger totalement. Comme représentant d’une élite aujourd’hui honnie, j’ai découvert ces réalités sur le tard. »

Jean-Pierre Jouyet admet avoir été « plus intéressé par les règles qui s’appliquaient aux administrations centrales que par celles qui s’appliquaient aux administrés ». « J’ai consacré beaucoup de temps à me préoccuper du management en général et des nominations en particulier, confesse-t-il. J’ai été davantage DRH de la République que réformateur de l’Etat. » (…) « Mon conservatisme, enfin disons ma prudence, était bien sûr nourri par ma proximité avec les grands corps et avec celles et ceux qui servaient l’Etat ». Jean-Pierre Jouyet décrit « une administration parfois plus attachée au strict respect des textes qu’aux intentions du législateur ». Une réalité que le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, a nommé « l’Etat profond » pour mieux se dédouaner de sa responsabilité quant à la bonne application des réformes. En réalité, tous les locataires de l’Elysée que Jean-Pierre Jouyet a côtoyés, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, en passant par Nicolas Sarkozy ou François Hollande, ont une part de responsabilité. « Je n’ai jamais senti chez eux le moindre intérêt pour ce sujet pourtant essentiel », cingle-t-il. « La réforme, aux yeux de l’écrasante majorité des responsables politiques, ce n’est pas un travail de fond, mais une manière de communiquer au gré de l’actualité ». Secrétaire général de l’Elysée en 2013, Jean-Pierre Jouyet raconte avoir assisté à l’enterrement de première classe du rapport de Guillaume Poitrinal et Françoise Holder, malgré la promesse présidentielle d’un « choc de simplification ». « L’administration a eu raison de ce grand dessein : le manque de coordination entre les différents ministères, les différences d’approche, les velléités de diriger l’opération ont suffi à terrasser la volonté de l’Elysée. »

Sa description de l’organisation de la France sur les dossiers européens vaut le détour. Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes en 2007, au moment de préparer la présidence française de l’Union européenne, il découvre la superposition des instances. Il y a la direction des Affaires européennes du quai d’Orsay ; le secrétariat général des Affaires européennes, « installé à Matignon, mais qui dépend aussi de Bercy » ; ou la représentation permanente de la France à Bruxelles, « qui se veut indépendante des deux premiers pour ne dépendre que du président de la République et du ministère des Affaires étrangères ».

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Voilà pourquoi la réparation des services publics n’est pas tant, à ses yeux, une affaire de moyens, que de réformes pour en améliorer l’efficacité. A commencer par celle du millefeuille territorial. « Notre décentralisation inachevée a enfanté une superposition de structures et de compétences entre régions, départements, métropoles, intercommunalités, communes qui suscite complexité et incompréhension pour les citoyens », considère désormais Jean-Pierre Jouyet. Emmanuel Macron passera-t-il à l’acte sur ce sujet ? « Toute notre architecture territoriale est à repenser », a expliqué mercredi le chef de l’Etat dans son discours sur les 65 ans de la Ve République, en promettant une nouvelle étape de décentralisation. « Quand il y a sept personnes derrière un ruban pour une inauguration, c’est qu’il y a un problème », confirme-t-on du côté de Bercy où l’on cherche désespérément où faire des économies. L’espoir sera-t-il – encore une fois – déçu ?

L’Opinion

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