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Dans son livre “Omerta dans l’Education nationale”, à paraître le 7 septembre, l’ex-principal de collège Patrice Romain lève le voile sur les raisons du mal-être de bon nombre de chefs d’établissement.

On parle beaucoup du devoir de réserve des chefs d’établissement. C’est de cela qu’il est question ?

Disons que ce sont les chefs d’établissement qui ont tendance à s’imposer eux-mêmes ce devoir de réserve et à s’autocensurer. Car, si vous osez dénoncer des dysfonctionnements, votre carrière est fichue. C’est le fameux “pas de vagues” dont on parle tant. Si un professeur a un élève infernal dans sa classe, le signale à son principal et que ce dernier procède à une sanction, ce sera forcément consigné quelque part. Un très mauvais point pour la direction puisque, officiellement, un établissement qui fonctionne bien est un établissement où tout va bien. Il arrive donc que certains perdirs exercent une forme de pression sur les membres de l’équipe pédagogique : “Mais comment se fait-il que ce soit compliqué avec cet élève, alors qu’avec les autres enseignants tout va bien ?”

(…)

Dans le chapitre de votre livre consacré à la laïcité, vous rappelez que le chef d’établissement est en première ligne. Depuis l’assassinat de Samuel Paty, bénéficie-t-il davantage du soutien de sa hiérarchie ?

Hélas, absolument pas ! On l’a bien vu récemment au moment de la polémique sur le port de l’abaya. Il revenait au ministre lui-même d’énoncer une consigne claire et de dire si, oui ou non, cette tenue était autorisée dans les établissements scolaires. Au lieu de cela, on a demandé aux personnels de direction de trancher eux-mêmes localement. Ce qui n’est pas tenable. Voilà des années que les incidents à caractère religieux grignotent du terrain pendant qu’au-dessus de nous on ferme les yeux. Un proviseur m’a ainsi rapporté le cas d’un élève qui en a tabassé un autre parce qu’il ne respectait pas le jeûne du ramadan en se rendant à la cantine. Alerté, le “courageux” directeur académique a rétorqué que “cela ne nous regardait pas”. Car ce dernier, que l’on peut considérer comme étant le chef de l’Education nationale au niveau départemental, est lui aussi noté par le recteur.

Moins il y a d’atteintes à la laïcité dans sa zone, mieux c’est. Vous évoquiez le cas de Samuel Paty : le rapport de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche a affirmé que l’administration n’avait rien à se reprocher. Or ce n’est pas en cachant ses erreurs que l’on progresse. Malheureusement, je suis persuadé que des drames se reproduiront. N’oublions jamais que l’omerta qui pèse sur les chefs d’établissement peut avoir des conséquences terribles.

L’Express

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