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Johannes, professeur de civilisation allemande à l’Essec, originaire de Stuttgart et domicilié dans le VIIe arrondissement de Paris, s’est décidé à héberger dans un appartement, près de Paris, en quelques mois, près d’une vingtaine de jeunes subsahariens en exil et à en aider des dizaines d’autres sur les plans financier et administratif.

Lors de notre visite, Johannes est affairé à aider Hamal, un des derniers venus, à réaliser les dossiers de son Aide médicale d’Etat (AME). «Tout ce qui paraît simple quand tu es dans le système est extrêmement compliqué quand tu es étranger», maugrée-t-il, les sourcils froncés sur l’ordinateur, un peu raide dans son polo bleu ciel et son pantalon clair. Malgré son regard sévère, sa voix se fait douce quand il répond, quasiment toutes les dix minutes, aux incessantes vibrations de son téléphone portable, parfois jusqu’à tard le soir. Comme cet appel, à 22 h 30, pour confirmer son rendez-vous du lendemain à Châtelet, 6 heures, pour amener trois dossiers à l’ambassade du Sierra Leone à Bruxelles. «Cartes consulaires, actes de naissances, authentifications, tests osseux… Les juges exigent de plus en plus de justificatifs pour prouver la minorité. Evidemment, les jeunes n’ont ni l’argent, ni les contacts, ni les compétences juridiques pour le faire eux-mêmes. C’est un système qui marche sur la tête.»  […]

«Je n’ai pas toujours été sensible à ces questions. Je me souviens encore de l’époque où je passais devant des familles à la rue sans les voir.» En 2015, premier déclic : la préparation d’un cours sur les migrations contemporaines lui fait prendre conscience de l’impasse de la politique d’accueil à la française. «Les Allemands ont accueilli plus d’un million de Syriens depuis 2015, un million d’Ukrainiens en 2022, et il n’y a personne à la rue là-bas : nous, on en a à peine 100 000 par an, et on les laisse crever dehors. Ce n’est pas une crise migratoire, c’est une crise de l’accueil : c’est nous, par nos politiques inhumaines, qui la créons.» […]

Grand déçu du macronisme, cet électeur de centre droit, européiste convaincu, s’inquiète de la «mauvaise pente» suivie par les démocraties occidentales. Contre le retour des fascismes, il prône une philosophie des petites actions. «Je ne suis pas un idéologue ou un militant, je ne vais pas en manif, j’essaie juste d’agir à mon échelle.»  […]

«Je donne certes beaucoup, mais chaque fois que je viens ici, que je les vois manger tous ensemble, ça me remplit de joie. Moi qui n’ai pas d’enfant, c’est le plus beau cadeau qu’on puisse me faire.»

msn/Libération (article intégral)

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