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Contrairement à ce qu’annoncent les Cassandre, il ne s’agit pas d’une guerre civile. Cela ne signifie pas pour autant que la situation n’est pas grave, loin s’en faut. Sur fond d’un sentiment profond de non-affiliation à la France et d’anomie existant dans de nombreux quartiers sensibles, les violences. urbaines se déclenchent régulièrement tels des feux follets, ces inflammations de méthane émanant des zones humides et marécageuses. Leur ampleur varie, mais ce phénomène est hélas devenu récurrent en dépit des multiples “plans banlieues” et autres rénovations urbaines. Jusqu’à présent, dans une logique de confrontation directe avec “le système”, les autorités ou la “France”, les forces de l’ordre et les symboles de l’État constituaient les principales cibles de la rage émeutière. Une nouvelle dimension s’est puissamment manifestée: les pillages de masse, révélateurs du processus de décivilisation en cours, mais aussi de la motivation consumériste de toute une partie de ceux qui se sont joints à ce mouvement.

La géographie particulière des émeutes de 2023 renvoie à la « banlieusardisation » progressive des territoires gravitant dans l’orbite éloignée des grandes métropoles. Du fait de la hausse du coût du logement, mais aussi de la saturation du parc social dans les grandes villes centres et leurs banlieues, de nombreux ménages modestes, voire très modestes, qui résidaient en banlieue sont venus s’ins taller dans ces confins desservis par les trains de grande banlieue ou d’importants axes routiers.Les paysages urbains de ces petites villes de l’Oise, de Seine-et-Marne, du Loiret, de la plaine de l’Ain ou du nord de l’Isère, portent la marque de leur intégration progressive à cet univers grand-banlieusard: présence de nombreux kébabs, de barbershops, de bars à chicha ou d’enseignes de maxi-discount. Les codes vestimentaires s’alignent également sur ceux de la banlieue: survêtements et casquettes, mais aussi kamis, abayas ou voiles.

Autres conséquences et illustrations de cette intégration à l’espace grand-banlieusard opérée progressivement depuis quinze ans, le trafic de drogue s’est déployé dans ces villes, et la délinquance y a augmenté. La culture de la cité s’y est diffusée, et les tensions avec les forces de l’ordre. ont grandi dans les quartiers devenus “sensibles” de ces villes de très grande banlieue.

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La pauvreté et les difficultés sociales aigues entrent donc bien dans la composition du terreau ayant nourri ces émeutes. Pour autant, ne sont pas elles qui les ont déclenchées.

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Si l’annonce du décès de Nahel, et plus encore la vidéo devenue virale de cette scène tragique, a embrasé des centaines de quartiers partout en France, c’est qu’une partie de la population de ces territoires s’est identifiée à Nahel. Cette identification spontanée, voire instinctive, s’est effectuée sur la base de caractéristiques communes et partagées que sont l’âge, les origines, le lieu de résidence et la relation avec la police. Ainsi, ce sont d’abord des jeunes (l’âge moyen des personnes interpellées est de 17 ans, soit l’âge de Nahel), la plupart du temps des garçons (comme Nahel), issus pour beaucoup de l’immigration, vivant dans un quartier populaire et ayant un rapport tendu, voire conflictuel, avec les forces de l’ordre qui ont participé à ces émeutes. Dans une société archipelisée, cette question de l’identification et du sentiment d’un destin partagé car ancré dans une expérience sociale commune constitue un facteur explicatif central. De nombreux Français ont été émus, attristés, voire choqués, à l’annonce du décès de cet adolescent. Pour autant, hormis la marche blanche organisée à Nanterre, aucune manifestation et quasiment aucun rassemblement de taille un peu conséquente n’ont eu lieu dans les villes françaises. Inversement, beaucoup des sportifs, acteurs et rappeurs (Kylian Mbappé, Omar Sy, Jules Koundé, Sadek…) qui ont très vite pris position en faveur de Nahel et de sa famille sont issus de l’immigration ou originaires des DOM, et ils ont exprimé une solidarité avec cette partie de la jeunesse qu’ils considèrent être en proie à une forme de violence policière spécifique.

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Même si le ministre de l’Intérieur n’a pas manqué de souligner la présence de “Kevin et de Mattéo” parmi les personnes interpellées, la car des émeutes se superpose assez bien à celle de l’immigration, bien avec celle de l’immigration, dont la présence plus ou moins importante dans un territoire donné peut être évaluée à l’aune du pourcentage de porteurs de prénoms arabo-musulmans parmi les nouveau-nés.

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Le Point

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