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En 2019, l’échevine de la Ville de Bruxelles Lydia Mutyebele appelait à voter PS dans un discours filmé pour continuer à bénéficier de subventions. Quatre ans plus tard, certains subsides attribués à des ASBL tenues par des proches interpellent.

« Vous allez me dire (s’adressant à son public) : ‘oui mais le parti socialiste, il aime seulement les Arabes. De toute façon au PS, c’est tout pour les Arabes’. oui, ils votent socialiste’. Donc cette fois-ci, il faut qu’on fasse un vote concentré, intelligent et pour nos intérêts. Donc on doit voter pour le parti socialiste. On commence par Rudi Vervoort qui doit rester fort. Parce qu’après, moi si je suis députée mais que c’est le MR qui a le plus de députés, on ne va pas négocier. On perd la ministre-présidence. Donc les subventions que Mama Ghislaine (NDLR Ghislaine Molai qui travaillait pour Rudi Vervoort) avait au cabinet et qu’elle distribuait (…), c’est fini tout ça. On nous embête toujours en nous disant qu’on n’a pas de centre culturel. Les Maghrébins à la Ville de Bruxelles, ils ont l’espace Magh parce qu’ils votent correctement. Nous, s’il n’y a qu’un ou deux députés subsahariens, excusez-moi, ça va être difficile pour qu’on s’occupe de vous. » Voici donc une partie d’un discours tenu par Lydia Mutyebele, pas encore échevine à l’époque, avant les élections régionales de 2019. Si cette vidéo est remontée jusqu’à nous, c’est parce qu’elle fait écho à d’autres éléments qui nous interpellent aujourd’hui, notamment au niveau des subventions.

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Dans le cadre de sa fonction d’échevine à l’Égalité des Chances, Lydia Mutyebele a la responsabilité, comme ses collègues échevins, de valider toute une série de subsides pour des ASBL. Dans une série d’ASBL subsidiées, on retrouve des proches de l’échevine, amis ou famille, qui y ont parfois un rôle prépondérant. Cela peut arriver certes, mais l’une a particulièrement retenu notre attention : l’ASBL Espoir et Futur, qui soutient les enfants défavorisés en République Démocratique du Congo. On ne vise évidemment pas le but louable de l’ASBL, mais plutôt ses liens étroits avec l’échevine Mutyebele, qui valide les subsides.

D’abord, parce qu’elle est composée de plusieurs soeurs de Lydia (la présidente, la trésorière…), mais également parce que l’adresse du siège de l’ASBL était carrément celle de l’échevine Lydia Mutyebele il y a deux ans d’ici ! L’ASBL finit par changer d’adresse. La date du dépôt au greffe est le 15 juin 2022, quelques jours avant la validation d’un subside de 8.000 euros au conseil communal du 27 juin 2022. Plusieurs éléments interpellent. D’une part, le numéro de l’adresse initiale a changé lors de l’acte au greffe ; d’autre part, on ne trouve aucune trace de l’ASBL à la nouvelle adresse. Pas un logo, rien. Pourquoi ce changement d’adresse ? N’y a-t-il pas là un conflit d’intérêt dans le chef de l’échevine ? Celle-ci avait d’ailleurs fait le voyage au Congo avec sa soeur, à titre privé, pour voir l’avancement des travaux dans une école, liés à ces subsides.

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« C’est un bon exemple d’intégration »

Contactée par nos soins Lydia Mutyebele s’explique. D’abord concernant son discours électoral. «  J’étais en campagne électorale, j’invite les personnes présentes pour les candidats socialistes par rapport à un projet, à un programme d’acquis sociaux que les minorités ont obtenu via un combat. J’encourage à suivre la politique qu’a menée la minorité maghrébine, qui n’a pas eu une migration facile. Qui a travaillé dans les mines, le métro, et qui maintenant a des médecins des avocats. Toute minorité doit suivre cet exemple   : les Albanais, les Asiatiques, et l’Afrique subsaharienne. C’est un bon exemple d’intégration par rapport au projet du PS ».

Concernant les subsides accordés à l’ASBL tenue par sa soeur, elle reconnait avoir voté le point, ne pas avoir eu le réflexe de se retirer. « Mais cela a été voté par tout le conseil communal. » Dans l’opposition, un conseiller communal souligne : « Vous vous imaginez, si on doit s’amuser à vérifier que telle ou telle ASBL est liée à une personne de l’entourage d’un échevin. C’est impossible. »

« L’ASBL était bien domiciliée à mon adresse, mais je n’ai jamais siégé dans le CA ni à l’AG, j’ai juste accompagné la création de l’ASBL car je suis juriste. On a justement changé l’adresse car je suis devenue échevine et que je ne préférais plus avoir d’ASBL domiciliée chez moi. La modification a été faite au moniteur en 2021, mais avec le Covid, le changement n’a pas été fait tout de suite. Et si vous ne trouvez aucune trace de l’ASBL à la nouvelle adresse, c’est parce c’est la présidente travaille bénévolement, elle n’a pas de bureau. »

Visibilité

Mais l’échevine dispose d’une belle visibilité à travers certaines ASBL : événements à l’Hôtel de Ville et plus particulièrement à la salle gothique, nom mis en avant sur des affiches, prises de parole, et même une récompense reçue… par une ASBL subsidiée. Dans le règlement en matière de subsides à la Ville de Bruxelles, il est indiqué que « la publicité faite par l’initiateur de l’activité subsidiée doit reproduire le logo de la Ville de Bruxelles et mentionner ‘en collaboration avec la Ville de Bruxelles’ ». L’échevine socialiste va plus loin que ça, puisque son prénom et son nom sont régulièrement repris sur des affiches. « Ce n’est pas interdit », nous dit-elle. Mais ce n’est pas d’usage non plus, nous confirme-t-on. Doit-on rappeler le sort réservé à l’ex-secrétaire d’Etat à l’Egalité des Chances Sarah Schlitz (Ecolo) après avoir utilisé son logo personnel dans des communications publiques d’associations subsidiées par le secrétariat ? On n’en est pas loin.

Sudinfo

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