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11/06/2023

Atlantico : Que sait-on de la prévalence des problèmes psychiatriques, des problèmes de santé mentale chez les demandeurs d’asile et les migrants ?

Xavier Briffault : Eh bien, il y a pas mal de choses à dire sur le sujet, surtout compte tenu du nombre d’études récemment publiées. J’ai moi-même fait une petite revue de littérature à ce sujet. Par exemple, une méta-analyse regroupant 40 études et 11 000 personnes montre une prévalence de troubles dépressifs chez les migrants de 32%, soit presque trois fois plus élevé que dans la population générale. La prévalence des troubles de stress post-traumatique est de 31%, soit 18 fois plus élevée qu’ici, en France, où le taux de ce type de troubles est généralement bas. On observe également une prévalence de 5% de troubles bipolaires, ce qui est plus élevé que dans la population générale. Les troubles psychotiques représentent 1% de la prévalence en France, ce qui est similaire aux taux observés ailleurs de manière générale. Ces chiffres concernent les réfugiés et les demandeurs d’asile qui se trouvent dans des pays à haut niveau de revenus.

D’autres études confirment globalement ces résultats. Par exemple, j’ai trouvé une autre étude publiée dans le journal Lancet public health qui indique une prévalence de 31% pour les troubles de stress post-traumatique, 21% pour la dépression caractérisée et 14% pour l’anxiété. En somme, on peut dire qu’il existe une prévalence plus élevée de troubles mentaux courants chez les personnes en situation de migration ou de demande d’asile par rapport à la population générale. C’est une donnée importante à prendre en compte.

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Beaucoup de commentaires politiques ont parlé de l’immigration à propos de l’affaire d’Annecy, est-ce de la récupération ?

Arnaud Lachaize : La réalité est ce qu’elle est, même si on voudrait bien la voir autrement. C’est un réflexe classique d’une partie de la gauche intellectuelle ou politique de fustiger toute allusion à l’immigration quand un tel drame survient. Mais c’est un fait qu’il est le produit d’une politique migratoire européenne sur le long terme. Vous ne pouvez pas empêcher les Français ou mêmes les Européens de se poser la question : que faisait un SDF Syrien désœuvré et sans travail, auquel la Suède a accordé le statut de réfugié, dans un square d’Annecy ? Au-delà des questions juridiques autour de la libre circulation, le réflexe de bon sens, populaire, est de se demander comment une telle situation peut se produire ? Elle est bel et bien le produit des politiques d’asile et de libre circulation sans frontière en Europe. Pour l’opinion, ce drame est aussi le produit d’un monde ouvert et sans frontière. Que la cause directe soit la folie n’y change rien. L’aveuglement volontaire ou idéologique a ses limites.

Atlantico

10/06/2023

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Une étude a été menée en 2020 sur les réponses données par 2 999 primo-immigrants hors de l’Union européenne : 35,91 % d’entre eux déclaraient un trouble psychique (stress post-traumatique, angoisses, épisodes maniaques, dépression, etc.). À titre de comparaison, selon la direction de la recherche, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé (Drees), une personne sur dix seulement en France déclare avoir reçu un diagnostic pour troubles psychiatriques ou psychologiques au cours de sa vie. Les migrants qui arrivent par des voies illégales sont probablement plus souvent encore en état de détresse psychique, compte tenu de leur parcours par définition mouvementé.

Interpellé en situation irrégulière, un déséquilibré sera rarement reconduit à la frontière, pour plusieurs raisons. Il peut venir d’un des nombreux pays (Maroc, Algérie, Afghanistan, Soudan, etc.) qui délivrent très difficilement les laissez-passer consulaires nécessaires pour exécuter une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il faut également tenir compte d’une spécificité française, le droit au séjour des étrangers malades, ou Dasem. Il permet d’obtenir un titre de séjour et la prise en charge d’un traitement qui ne serait pas disponible à des conditions économiques supportables dans le pays d’origine. En d’autres termes, un trouble psychiatrique sévère grave n’est pas un motif d’expulsion, mais de soins gratuits. Le système est tellement généreux que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), dépendant du ministère de l’Intérieur, a repris la main en 2016 sur les examens médicaux des prétendants au Dasem, jusque-là confiés aux agences régionales de santé. Le taux d’acceptation des dossiers pour pathologies psychiatriques est instantanément tombé de 25 % à 17 %.

Sisyphe psychiatre
Le Dasem serait tout à l’honneur de la France si l’intendance suivait. Selon un psychiatre interrogé par Le Point, exerçant dans un centre médico-psychologique (CMP) d’Île-de-France, ce n’est plus le cas. Le nombre de migrants présentant des troubles mentaux menace de faire craquer un système pourtant robuste. Entre les CMP, l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris, les dispensaires des ONG et le centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA) de Sainte-Anne (ouvert 7/7, 24 h/24 h), Paris est correctement équipé, dans une France sous-dotée en matière de soins psychiatriques. « On serait au gabarit pour nos missions s’il n’y avait pas autant de migrants », explique ce psychiatre.

Il évoque quelques cas concrets. Un jeune Marocain est envoyé au CMP par une ONG. « Soi-disant mineur. On a fait semblant d’y croire. Il était en plein délire mystique. Mis sous antipsychotiques, il a cessé de parler d’Allah, mais il continuait à délirer. » Le jeune homme ne se souvenait même pas de son nom. Une soignante a eu l’idée de le mettre devant Facebook. Ses identifiants lui sont revenus ! Le CMP a retrouvé sa famille au Maroc. Elle était sans nouvelle depuis des années. Hélas, « le Maroc refuse de le reprendre ! se désole le psychiatre. Ils prétendent qu’il n’est pas marocain. Comme il n’a pas de papier, il n’a pas eu de place en foyer. Il est retourné à la rue. Au bout de trois mois, il est revenu dans un autre CMP, puis il est parti à nouveau à la rue. À part la prison, je ne vois pas d’issue ».

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Le Point

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