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Une semaine après le meurtre de deux personnes au Mail et à la Busserine dans des fusillades sur fond de trafic de drogue, des habitantes des quartiers Nord crient leur peur de vivre dans l’insécurité. Elles ont organisé une conférence de presse pour crier leur ras-le-bol. Elles confient vivre dans la peur d’être tué ou de voir leurs enfants être tués et réclament davantage de présence policière, la nuit.

« Ce Monsieur, il avait 63 ans. Il n’avait rien demandé à personne. Je dis que pas que la mort des jeunes qui font partie des réseaux est justifiée. Ce sont des morts tout aussi horribles. Je dis juste que ce monsieur, en préretraite, il avait rien demandé à personne. Il voulait rejoindre ses amis pour jouer aux cartes et il s’est retrouvé dans une situation incroyable. C’est pas normal de se retrouver face à deux balles. » Ce Monsieur dont parle Fadella au micro est mort dans une fusillade, il y a tout juste une semaine. C’était à quelques mètres d’ici seulement, dans la cité de la Busserine, dans le 14e arrondissement de Marseille. Un homme inconnu des services de police, possible victime collatérale d’un règlement de comptes, atteint par plusieurs balles au thorax, près d’un snack. Il est devenu ce soir-là la dix-septième victime dans des violences liées au trafic de drogue dans les Bouches-du-Rhône depuis le début de l’année.

Le mort de trop. Devant le centre social de la Busserine, à la veille d’une marche blanche organisée ce mercredi à Marseille pour les victimes des règlements de comptes, des habitants des cités environnantes crient leur sentiment d’injustice, teinté de peur, à l’occasion d’une conférence de presse initiée par un collectif, le Groupe de veille Busserine. En contrebas, sur un parking, un bouquet de fleurs accroché à un poteau rend hommage à un autre jeune, retrouvé mort, brûlé dans une voiture incendiée au milieu du mois de mars.

 « Je suis totalement révoltée face à tout ce qu’on vit, clame Fadella. On aspire juste à vivre, parce qu’on paie nos impôts, comme tout le monde. Mais on n’a pas la même vie que tout le monde. Et c’est de pire en pire. La violence, maintenant, c’est tous les jours. On a peur de laisser nos enfants aller au collège. Les habitants n’envoient plus leurs enfants à l’école les lendemains de fusillade, pendant cinq ou six jours, parce qu’ils ont peur de descendre les escaliers. C’est latent. On sait qu’il va y avoir d’autres drames. Là, on a eu cette fusillade. Tous les soirs, depuis, on entend des tirs. Après l’école, à 16 h 30, maintenant, il y a un million de voitures devant les écoles et les collèges parce que les parents, même s’ils habitent à deux pas, ils viennent chercher leurs enfants. Comment on fait ? En fait, on a plus de vie. »

« Au centre social, les parents ont déjà prévenu que le soir, ils ne laisseront pas les enfants venir au soutien scolaire », regrette Amel. « On est fatigué, nous, les parents, abonde Henriette. On est pire qu’en guerre. Tous les jours, c’est la même chose. Les parents, on se bat pour nos enfants. Il y a personne qui a envie de mettre son enfant au monde et de le voir mort. Là, c’est grave. Le problème, de plus en plus, s’empire. C’est des bébés. Ils se réveillent le matin, ce qu’ils voient, c’est des flaques de sang. Dans les cages d’escalier, c’est des armes. Les enfants, ils voient tous les jours ça. Vous voulez qu’ils s’en sortent comment ? »

 « Non, nous ne sommes pas complices, clame Amel. Non, le trafic et le réseau ne nous font pas vivre. Non, cette situation n’est pas la contrepartie d’un choix qu’auraient fait les habitants du quartier de laisser proliférer les trafics pour en profiter. Oui, nous espérons vivre dans le calme et la tranquillité, à l’égalité des autres citoyens de cette ville et de ce pays, en profitant des mêmes droits et avec la même égalité de traitement. Nous refusons d’être assimilés à cette violence dont nous sommes victimes et non complices. »

« Et c’est pas qu’à la Busserine, rappelle Fadella. C’est tous les quartiers Nord qui souffrent. Et Monsieur Darmanin, au lieu de nous envoyer la CRS8, il faut qu’il vienne s’asseoir là où on s’assoit, nous. Il faut qu’il ressente, que quand il voit une voiture arriver à fond, il a peur. Quand il voit une moto, il se tourne. Qu’il lâche les caméras, et qu’ils viennent nous voir. »  […]

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