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Lutter contre la délinquance des étrangers, c’est l’un des objectifs affichés par le gouvernement lorsque celui-ci défend la nécessité d’une loi immigration. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, souhaite notamment renforcer les possibilités d’expulsion des étrangers délinquants, au risque d’alimenter les amalgames. Une étude démontre qu’il n’en est rien. Rendue publique mercredi 19 avril par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii), rattaché aux services de la première ministre, elle assure que « les immigrés ne sont pas à l’origine d’une augmentation des taux d’infraction dans les pays d’accueil » . Pour étayer leur propos, les auteurs, les économistes Arnaud Philippe et Jérôme Valette, dressent un état des lieux des recherches dans plusieurs pays. Et constatent qu’ « aucune étude ne trouve d’effet de l’immigration sur la délinquance » .

Emmanuel Macron aussi, lors de son interview télévisée du 26 octobre 2022, avait corrélé forte présence d’immigration illégale et délinquance : « Quand on regarde aujourd’hui la délinquance à Paris, on ne peut pas ne pas voir que la moitié au moins des faits de délinquance qu’on observe viennent de personnes qui sont des étrangers. » Des propos qui trouvent un écho au sein de l’opinion. Selon un sondage BVA pour la Fondation Jean Jaurès paru en avril, les thématiques auxquelles les Français associent le plus l’immigration sont l’insécurité et la violence.

« Le nombre de délits commis dans un pays n’augmente pas à la suite d’une vague migratoire » , insiste M. Philippe. A une exception près : une petite partie des immigrés présente « une probabilité légèrement plus élevée de commettre un vol lorsqu’ils n’ont pas accès au marché du travail » , écrivent les auteurs. Cela a été documenté au Royaume-Uni et en Italie.

Les études citées par le Cepii trouvent que cette délinquance d’appropriation est corrélée à un défaut d’accès au travail. « Au Royaume-Uni, on constate une augmentation des atteintes aux biens à la suite de la première vague [migratoire] des années 2000 (réfugiés somaliens, afghans et syriens principalement), mais pas pour la seconde (immigrés en provenance de l’Europe de l’Est). » Dans le second cas, les immigrés avaient un accès au marché du travail en tant que citoyens européens quand, dans le premier cas, les demandeurs d’asile en étaient exclus leur première année sur le sol britannique.

De même, en Italie, une étude sur deux cohortes d’immigrés sans papiers en 2017 montre que ceux ayant été régularisés « ont eu une probabilité deux fois plus faible de commettre une infraction au cours de l’année suivante, une différence qui s’explique entièrement par une baisse significative des infractions générant des revenus, telles que les vols et les trafics » .

Il n’en reste pas moins que, en France, en 2019, les étrangers représentaient 7,4 % de la population mais 14 % des auteurs d’affaires traitées par la justice ou encore 23 % des personnes incarcérées. Pour comprendre cette surreprésentation dans les statistiques sur la délinquance, les auteurs évoquent plusieurs raisons : l’existence de délits ne pouvant être commis que par des étrangers comme la soustraction à une mesure de reconduite ; la surreprésentation des jeunes hommes dans la population immigrée ; la précarité qui les touche davantage et, enfin, un « traitement différencié » tout au long de la chaîne pénale, « de la probabilité d’arrestation à celle d’être incarcéré ». 

Ainsi, « pour un même délit avec les mêmes antécédents judiciaires, en ayant suivi la même procédure et avec les mêmes caractéristiques individuelles (âge, sexe, lieu et date de jugement), les étrangers ont non seulement une probabilité plus forte que les Français d’avoir une peine de prison ferme, mais sa durée est également plus longue » .

Enfin, le Cepii se penche sur les effets du traitement médiatique de la délinquance sur l’opinion publique. Une recherche a été menée en Allemagne où, depuis 1973, le code de la presse conseillait aux journalistes de ne pas mentionner l’origine des suspects ou coupables dans les affaires de délinquance. En rupture, le journal de Saxe, la Sächsische Zeitung, a décidé, à partir de 2016, de « systématiquement révéler l’origine des auteurs d’infraction, qu’elle soit étrangère ou non ».

Les résultats montrent une baisse des intentions de vote pour l’extrême droite et des inquiétudes vis-à-vis de l’immigration. « Les lecteurs se sont trouvés exposés au fait que la plupart des délinquants étaient des natifs » , remarque M. Valette, qui a participé à cette étude en 2022. A la suite de cette expérience, un phénomène a cru : l’inquiétude vis-à-vis de la délinquance en général.

Le Monde

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