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James Zhong semblait avoir réussi le crime parfait. Du moins a-t-il pu le croire pendant quelques années… En décembre 2012, il tombe par hasard sur un bug logiciel alors qu’il retire de l’argent de son compte sur Silk Road, une place de marché en ligne réputée pour dissimuler des échanges de nature criminelle derrière l’anonymat apparemment à toute épreuve du dark web et des transactions par blockchain. M. Zhong, alors âgé de 22 ans et étudiant en informatique à l’université de Géorgie, utilise ce site pour acheter de la cocaïne.

« J’ai accidentellement double-cliqué sur le bouton de retrait et j’ai été abasourdi de découvrir que cela me permettait de retirer le double du montant de bitcoins que j’avais déposés », a-t-il plus tard déclaré devant un tribunal fédéral. Après ce premier retrait frauduleux, M. Zhong crée de nouveaux comptes et vole ainsi en quelques heures quelque 50 000 bitcoins d’une valeur à l’époque d’environ 600 000 dollars, selon le dossier d’instruction des procureurs fédéraux. Un an plus tard, les autorités fédérales ferment Silk Road pour des motifs criminels et saisissent les ordinateurs contenant les enregistrements des transactions. Ces derniers ne révèlent pas tout de suite la combine de M. Zhong.

A l’époque, les autorités ne maîtrisent pas les techniques permettant de retrouver les personnes et les groupes qui se cachent derrière les adresses des portefeuilles de la blockchain, cette série de chiffres et de lettres utilisée pour envoyer et recevoir anonymement des crypto-monnaies. De fait, l’un des intérêts essentiels mis en avant par le système est justement la confidentialité qu’il offre à ses utilisateurs. Pendant huit ans, M. Zhong déplace les bitcoins volés d’un compte à un autre afin de brouiller les pistes. Entretemps, le marché des crypto-monnaies est devenu bouillant au point de porter le montant de son pactole à… 3,4 milliards de dollars à la fin 2021 ! Il n’en continue pas moins de vivre dans une modeste maison à Athens, en Géorgie, et de s’habiller en shorts et en T-shirts. Mais il possède également une maison au bord d’un lac pour des escapades à Gainesville, en Géorgie, une voiture de sport Lamborghini et une Tesla à 150 000 dollars.

En novembre 2021, des agents fédéraux surprennent M. Zhong en débarquant avec un mandat de perquisition. Ils trouvent les clés numériques de sa fortune en cryptos cachées dans un coffre-fort au sous-sol et dans une boîte de pop-corn dans la salle de bain. Ayant reconnu être coupable de fraude électronique, M. Zhong a été condamné un an et un jour de prison vendredi par le tribunal fédéral de New York. Les procureurs réclamaient une peine d’emprisonnement de moins de deux ans L’affaire de M. Zhong est l’un des exemples les plus éclatants de la manière dont les autorités fédérales ont percé le voile des transactions de la blockchain.

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Au cours des deux dernières années, les Etats-Unis ont saisi plus de 10 milliards de dollars en monnaie numérique à l’issue de poursuites judiciaires couronnées de succès, consistant au sens propre à suivre l’argent, selon le fisc américain, l’Internal Revenue Service (IRS). Au lieu d’assigner des banques ou d’autres institutions financières, les enquêteurs peuvent regarder directement la blockchain pour avoir une photo instantanée de la piste de l’argent. Les enquêteurs des services gouvernementaux exploitent une caractéristique du bitcoin et de nombreuses autres monnaies numériques, à savoir que chaque transaction est stockée pour toujours dans le grand livre en ligne des opérations de la blockchain que tout le monde peut consulter. Depuis le vol de M. Zhong, les autorités et les entreprises privées ont constitué l’équivalent d’un répertoire des adresses sur la blockchain pour aider l’IRS, le FBI, les autorités locales et celles des Etats à enquêter sur les cybercrimes.

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Lorsque des bitcoins sont volés, le criminel se retrouve désormais « dans la position d’un type qui a braqué une banque dans la neige », appuie Matthew Price, un ancien enquêteur de l’IRS qui dirige maintenant les investigations pour la plateforme d’échange Binance. Le nom du criminel a beau être inconnu au départ, les autorités peuvent suivre ses traces numériques aussi bien que des empreintes de pas dans la neige. Les enquêteurs fédéraux ont ainsi eu recours aux techniques de traçage de la blockchain pour fermer un site de pornographie enfantine, bloquer le financement d’organisations terroristes et récupérer la bagatelle de 3,6 milliards de dollars auprès d’un couple new-yorkais accusé de blanchir le produit du piratage, en 2016, de la plateforme d’échange Bitfinex, soit la plus importante saisie financière réalisée à ce jour par le département américain de la Justice. A chaque affaire, de nouveaux comptes sont ajoutés au carnet d’adresses de la blockchain du gouvernement. Ces progrès compliquent la tâche des criminels quand ils veulent convertir leur butin en espèces. Une fois que les les autorités ont publié les adresses des portefeuilles liées à des escrocs, aucune bourse légitime de crypto-monnaies ne veut avoir affaire avec eux, par peur des conséquences juridiques.

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