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“Le contrat racial” de Charles Mills, livre majeur de la “théorie critique de la race” vient de paraître en français. Lilian Thuram nous raconte l’impact de cet essai sur ses engagements contre le racisme.

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Publié en 1997 aux Etats Unis, « Le contrat racial », livre majeur du philosophe Charles Mills vient de paraitre pour la première fois en français. Il expose les failles du contrat social qu’il qualifie de contrat racial : contrat qui fait exister le blanc en tant que personne et le non blanc en tant que sous personne. L’édition en français bénéficie d’une préface de l’auteur à l’occasion du 25eme anniversaire de la publication de cet essai qui est aujourd’hui une lecture obligatoire des cours de philosophie et sciences politiques aux Etats Unis. Nous sommes allés demander à Lilian Thuram de nous raconter ce que cette lecture lui a apporté.

Rendre accessible la théorie critique

Si la parution en français de cet ouvrage critique incontournable dans le monde anglosaxon est évidemment une heureuse nouvelle, le délai de traduction interroge Lilian Thuram. Pourquoi a-t-on laissé 25 avant de rendre accessible cet ouvrage au lectorat francophone ?

“Lorsque j’entends parler du “Contrat racial” cela me permet de comprendre tout ce que j’ai vécu dans ma vie, tout ce que je vis encore en tant qu’homme noir.”  Lilian Thuram

Très accessible, ce livre met en déroute l’idée commune selon laquelle parler de racisme est une chose compliquée. Au-delà de ce qu’apporte Charles Mills pour comprendre la problématique raciste, ses analyses permettent d’interroger la manière dont le monde moderne s’est construit. L’idée vers laquelle nous mène Mills est simple : l’histoire a construit des groupes identifiés selon leurs couleurs de peau et dès lors, nous avons appris à nous penser à partir de cette appartenance, depuis ce point de vue.

Démasquer nos impensés

“Le monde moderne dans lequel nous vivons s’est construit sur la racialisation, sur l’idée que la race blanche serait supérieure et les autres inférieures.” Lilian Thuram

Les exemples de cette pensée raciale sont nombreux : parler d’Afrique subsaharienne en revient à diviser l’Afrique le long d’une ligne raciale, parler de la “découverte de l’Amérique” par Christophe Colomb équivaut à nier la précédence des populations autochtones..

“Les choses, les terres existent à partir du moment où le monde européen arrive. Je pense que nous sommes aujourd’hui dans une suite historique et que nous devons prendre conscience qu’effectivement, de façon inconsciente, nous reprenons ces schémas de domination.” Lilian Thuram

Légitimer la prise de parole

Dès lors, si la pensée raciale n’appartient pas à l’histoire, si elle connaît des prolongements, des suites dans nos sociétés actuelles, il faudrait parvenir à opérer sur ces questions un tournant critique et réflexif. Cela commence par un travail visant à déconstruire l’idée que le débat est impossible, trop complexe ou trop sensible. Lilian Thuram rappelle que l’histoire est témoin du fait que ceux qui passionnent ces débats sont ceux qui ne veulent pas écouter, et a fortiori qui ne veulent pas que les choses changent.

“On passionne le débat pour délégitimer la parole des personnes qui souffrent dans une société qui voudrait plus d’égalité.” Lilian Thuram

L’électrisation du débat relève dès lors d’une même stratégie de domination, d’une même manière de reconduire et de défendre la suprématie blanche et le confort d’une pensée qui voudrait que la lumière vienne du monde européen.

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