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Certaines personnes âgées se désolent de la disparition progressive du monde qu’elles ont connu. Et s’inquiètent de l’avènement d’une nouvelle ère numérique. “Ça me désole et ça m’affole un peu.” À 74 ans, Evelyne est un peu “nostalgique” de l’ancien monde. Celui où l’on trouvait encore des cabines téléphoniques à chaque coin de rue, des machines pour composter les billets de train et des timbres rouges pour envoyer le courrier. La petite vignette a disparu des enveloppes depuis le 1er janvier, remplacée par une procédure dématérialisée.

Le monde dans lequel j’ai vécu disparaît petit à petit”, témoigne la septuagénaire, professeure de français à la retraite. “La plus grande partie de ma vie, je l’ai vécue sans téléphone portable et même sans téléphone tout court.”

Evelyne se souvient de son enfance lorsqu’il fallait se rendre à La Poste du village pour téléphoner et se revoit encore jeune mère descendre au taxiphone le plus proche, quand elle n’avait pas encore le téléphone à domicile. En 2019, la France ne comptait plus qu’une centaine de cabines en état de fonctionnement contre 300.000 à la fin des années 1990. Et en septembre dernier, il n’y en avait plus que 14, selon Le Dauphiné libéré. “C’est vrai qu’avec le téléphone portable, c’est beaucoup plus pratique“, admet Evelyne. “Mais je réalise que le monde que j’ai connu n’existe presque plus.”

Annie, 84 ans, est quant à elle “en colère”. Notamment en ce qui concerne la fin du timbre rouge. “On passe d’un truc à un autre sans se préoccuper de savoir comment les vieilles dames de plus de 80 ans vont faire“, s’indigne-t-elle pour BFMTV.com. “Je suis révoltée.” Impossible pour cette ancienne professeure des écoles d’imprimer des timbres à domicile. “Ça me complique l’existence, il faut tout un tas de matériel informatique que je ne maîtrise pas. Je suis totalement du siècle dernier.”

Elle s’alarme également d’une éventuelle fin de la tournée quotidienne de son facteur – démentie par La Poste, après l’annonce d’une expérimentation afin de réorganiser les tournées de distribution de courrier. “Pour les personnes qui ne sont pas connectées, on devient vraiment des citoyens de seconde zone“, regrette Annnie. “Le nouveau monde me dépasse.

Plus que les modifications dans l’espace public, ce sont les changements dans les interactions sociales qui peuvent être lourds“, observe pour BFMTV.com Mélissa-Asli Petit, sociologue spécialiste du vieillissement. “Elles se réduisent, ce qui créé une mise à distance entre ces personnes et la société.” […]

Un sentiment d’exclusion dénoncé également par Michel Billé, sociologue spécialiste des questions relatives au veillissement. “On leur reproche de ne pas savoir faire, mais où auraient-elles appris? On fait comme si c’était spontané, naturel. Or, ce n’est pas le cas.” S’il reconnaît que l’on peut se réjouir “pour mille raisons” de toutes ces innovations, “elles s’imposent à des personnes qui n’ont pas forcément les moyens techniques ou financiers d’y accéder.

Et qu’il s’agisse de manier son smartphone pour présenter son billet de train, déclarer ses revenus en ligne ou payer à la caisse automatique, une partie de la population se retrouve ainsi “dans l’impossibilité technique de faire“. “Les vieux sont déconsidérés, disqualifiés“, dénonce-t-il pour BFMTV.com.

Une violence symbolique“, pour ce sociologue, également auteur de La Tyrannie du bien vieillir. On aurait le droit de vieillir à condition de rester jeune. Mais en réalité, on assiste à un refus de la vieillesse et de ses attributs. Les vieux sont constamment renvoyés au fait que la société leur signifie qu’ils n’ont plus de place.

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