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Sous pression depuis des mois, le maire breton de Callac renonce donc à son projet d’accueil de réfugiés… Et cela crée un précédent, à quelques semaines de l’examen du projet de loi immigration !

Callac, 2200 habitants, petit bourg rural, au cœur de l’Argoat, entre pierres et forêts… Eric Zemmour y a fait moins de 5% des voix à la présidentielle. Huit mois plus tard, il gagne !

Que voulez-vous dire ?

Que son harcèlement numérique, médiatique, amplifié par une poignée de militants locaux et nationaux, a eu raison du projet, humaniste, auquel croyait le maire divers gauche de la commune. Le niveau de tensions était devenu insoutenable : habitants, familles, commerces, divisés au point de s’éviter ! Alors, tant pis pour les réfugiés, ces dizaines de personnes bénéficiant d’autorisations de séjour longue durée, qui auraient pu, via l’aide d’un fonds de dotation privé, s’installer sur la commune avec, à la clé, des emplois à pourvoir.

Pas seulement par altruisme, mais parce que Callac se meurt : la commune a perdu un tiers de ses habitants en 50 ans. Village à repeupler, à redynamiser. Mais en agitant sa peur du « grand remplacement », Eric Zemmour aura réussi à coloniser les esprits et, fait rarissime, à dénaturer la Bretagne et sa longue tradition d’accueil.

Comment en vouloir aux élus locaux qui jettent l’éponge, quand tous les jours, on vous menace de mort ! Pour Zemmour, Callac est une victoire sur la carte de sa bataille culturelle.

Avec quelles conséquences ?

Le risque, c’est que dans chaque commune où ce type d’accueil est envisagé, les élus pratiquent désormais la politique de précaution et de l’emmerdement minimal. Et contrairement aux directives d’Emmanuel Macron ! Rappelez-vous, en septembre : devant les préfets, le Président a plaidé pour cette répartition, afin d’éviter les ghettos en villes. En sachant qu’en moyenne, il n’y a pas plus de 5% d’immigrés dans les campagnes.

Et l’échec de Callac s’inscrit dans une autre escalade. Celle, encore peu visible, du « deal » qui se joue actuellement, sur les retraites, entre le gouvernement et la droite LR…

Pour ceux qui n’auraient compris, dans l’esprit d’Eric Ciotti, le soutien à la réforme est tout sauf un blanc-seing pour la suite. Sinon autant entrer au gouvernement ! Plus la droite sera facilitatrice sur les retraites, et plus elle bloquera la loi immigration. Pour réaffirmer son indépendance et ses rêves d’alternance.

Mais Gérald Darmanin n’a pas dit que « tout ce que LR a toujours demandé sur l’immigration », il l’a mis dans la loi ?

Engrenage du chantage ! Vous avez entendu Bruno Retailleau mercredi matin à 7h50 ? LR veut la double peine effective, prison et renvoi pour toute condamnation, le rétablissement du délit de séjour illégal, la fin de ce qu’ils appellent les « pompes aspirantes » (aide médicale d’Etat, regroupement familial).

Et surtout, ils veulent faire tomber la jambe intégration du projet de loi, le volet qui consiste à créer un titre de séjour pour les « métiers en tension ». La pression (LR, RN, Reconquête) sera tellement forte au printemps, qu’il faudra peut-être utiliser le seul 49.3 encore disponible en stock hors budget !

La réforme des retraites va se payer cash, et Callac n’est qu’un avant-goût du débat vicié et vicieux qui s’annonce. Comme si les travailleurs immigrés, ces réfugiés qui auraient pu travailler à Callac, ne cotisaient pas, eux aussi, pour les retraites des électeurs d’Eric Zemmour, et celles des autres.

L’édito politique de Yaël Goosz, chef du service politique de France Inter

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