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FIGAROVOX/ENTRETIEN – Julien Bernard-Regnard, boulanger dans un village de 400 habitants en Moselle, a dû fermer son commerce en raison de la hausse des prix de l’électricité. Aujourd’hui endetté, il critique le manque de soutien du gouvernement et assure qu’il ne sera plus jamais entrepreneur en France.

Julien BERNARD-REGNARD. –Je travaille dans le domaine de la boulangerie depuis 17 ans. Et ça allait faire cinq ans que j’avais ouvert ma propre boulangerie, avec deux vendeuses, dans ma commune de Bourgaltroff. C’est un petit village de campagne de 400 habitants, tout le monde se connaît, c’est très convivial. Ma boulangerie était vraiment un lieu de rassemblement. Et lors de la fermeture, les habitants m’ont apporté un soutien phénoménal, j’ai reçu toute la semaine des messages, des courriers, des dons… C’est ça qui m’a fait tenir psychologiquement. J’ai aujourd’hui le sentiment d’avoir abandonné mes clients. Les personnes âgées se réunissaient pour boire le café, se raconter des histoires, c’était leur moment de lumière de la journée. Maintenant ils ne voient plus personne. Je m’étais d’ailleurs diversifié pour apporter un maximum de services aux habitants du village.

(…)

Vous êtes-vous senti soutenu par l’État ? Comment avez-vous vécu cette fermeture ?

Non, j’ai une colère, une rage qui n’est même pas exprimable. Bruno Le Maire et Olivia Grégoire ont publié des dizaines de tweets pour «soutenir les boulangers», et ont affirmé sur BFM qu’ils ne laisseraient mourir aucune entreprise. Mais la réalité est différente, il y a au moins une dizaine de boulangeries qui ferment tous les jours. Les aides sont soumises à des conditions inimaginables, je n’ai absolument rien touché. Bruno Le Maire nous a proposé de reporter nos charges, mais nous n’avons aucune envie de voir étaler nos factures, on ne veut pas qu’elles s’accumulent. Il a aussi promis des aides exceptionnelles que l’on n’a jamais vues. Le gouvernement refuse de s’attaquer aux vrais problèmes, à savoir l’indexation des prix de l’électricité sur ceux de l’Union européenne. On ne veut pas d’aides, de solutions provisoires, on aimerait simplement que les ministres s’attaquent aux vrais problèmes, à savoir l’indexation des prix de l’électricité sur ceux de l’Union européenne. Mais ils n’en parlent jamais.

Cette fermeture forcée m’a impacté socialement, psychologiquement, physiquement… La boulangerie était toute ma vie, c’est un travail exigeant, on travaille les jours fériés, les week-ends, mais on ne se plaint jamais car c’est une véritable passion. Seulement, aujourd’hui on nous empêche de travailler dignement. On ne veut pas d’aides, simplement pouvoir travailler comme tout le monde. Quand on perd son commerce, on perd sa vie. J’étais en progression depuis cinq ans, mon chiffre d’affaires ne cessait d’augmenter, et là, pour des raisons indépendantes de ma volonté, je dois fermer. Je n’accepterai jamais cette injustice.

Envisagez-vous de rouvrir un commerce en France ?

Ma passion a toujours été la boulangerie, mais j’ai perdu la flamme. En France, je ne serai plus jamais entrepreneur parce qu’il est impossible de payer correctement les salariés. Pour rémunérer un salarié 2000 €, il faut débourser près du triple en comptant les charges et les taxes.

(…) S’il n’y a pas davantage de soutien, les conséquences sociales seront terribles : consommation de médicaments, dépressions voire suicides… Je ne souhaite à aucun confrère de vivre ce que j’ai vécu quand j’ai été forcé de fermer mon commerce. Aujourd’hui, j’ai repris un emploi en usine parce qu’il faut bien payer les factures.

Le Figaro

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