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Figure la plus connue de l’art contemporain français, exposée dans le monde entier, le héraut du noir, qui modelait cette couleur depuis plus d’un demi-siècle, dialoguant inlassablement avec elle jusqu’à inventer l’«outrenoir», est mort ce mercredi. Il avait 102 ans.

Il avait fait du noir sa signature et, contre toute logique, un puits de lumière. Mieux, il en avait fait son interlocuteur privilégié. Soulages et le noir débattirent ensemble, plus d’un demi-siècle durant, sur toile et sur papier, présentant les résultats de leur controverse sur les cimaises du monde entier. Sans jamais en démordre, sans s’épuiser ni se lasser, sans cesser de s’étonner ni de s’émerveiller devant les possibilités offertes par une couleur qui n’est pas censée en être une, l’artiste a mis et remis le noir sur le grill du châssis. Au point qu’il lui fallut lui trouver un autre nom, forger un néologisme, «outrenoir» qui semble tenir aussi bien de l’exotique «outremer» que du funeste «outre-tombe». Même si l’artiste ne joua jamais sur la symbolique du noir, il y a dans l’obstination avec laquelle il en enduisit ses toiles, une sorte d’emphase dramatique et radical. L’artiste bouleversa ce que chacun croyait savoir du noir, de la peinture (abstraite) et de l’art, faisant basculer la peinture sur une pente aveugle et voyante : «Ce qui me guide et ce qui apparaît quand on regarde les toiles, disait-il, c’est la lumière reflétée par le noir, transformée par le noir.» Pierre Soulages s’est éteint à l’âge de 102 ans

(…) Libé

En janvier 1979, Pierre Soulages fait sa première expérience en ajoutant et retirant du noir sur une toile. La première toile recouverte intégralement de noir est “Peinture 162 × 127 cm, 14 avril 1979“, conservée à Montpellier, au musée Fabre. En 1990, l’artiste appelle “outrenoir” ce travail sur le noir et ses reflets : “au-delà du noir une lumière reflétée, transmutée par le noir. Outrenoir : noir qui cessant de l’être devient émetteur de clarté, de lumière secrète. Outrenoir : un autre champ mental que celui du simple noir.

En 1984, le ministère des Finances passe une commande publique à l’artiste pour la réalisation de deux tapisseries destinées à orner une salle du nouveau bâtiment. Pierre Soulages termine et livre “Les tapisseries Savonnerie” en 1991.

En 1986, une commande exceptionnelle lui est faite par le ministère de la Culture pour réaliser les 104 vitraux des 95 fenêtres et neuf meurtrières de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques. Ces nouveaux vitraux, diffusant de la lumière à l’intérieur, tout en occultant l’extérieur, sont inaugurés en 1994.

À partir de 2004, l’artiste utilise exclusivement de la peinture à l’acrylique et inaugure ainsi ce que Pierre Encrevé, historien d’art spécialiste de l’œuvre de Pierre Soulages, nommait la “seconde période de l’outrenoir.”

Une cote de plus en plus élevée

Dès le début des années 1980, la cote de Pierre Soulages affiche des enchères supérieures à 100.000 francs. Il devient l’artiste français vivant le plus cher en 2013, après la vente de “Peinture, 21 novembre 1959“, toile vendue à 5,1 millions d’euros à Londres. Six ans plus tard, “Peinture 200 × 162 cm, 14 mars 1960” s’est vendue à 9,6 millions d’euros à Paris.

Une œuvre de Pierre Soulages, datant de 1961, a été mise en vente à New York le 16 novembre 2021. Elle était estimée entre sept et dix millions d’euros, et a battu un nouveau record en étant vendue à plus de 17,8 millions d’euros.

France Bleu

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