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Shalini vit dans un stress constant. Pour devenir résidente permanente, elle doit travailler au moins trois ans et demi sur quatre ans avant de faire sa demande. « Au bout de deux ans et demi, j’ai été licenciée. Je savais que si je ne trouvais pas un nouvel emploi dans les six mois, je perdrais les années que j’avais accumulées. » Si son mari se retrouve au chômage, elle sera expulsée. « J’ai de la chance, car je peux aller vivre ailleurs, mais certains restent dans des mauvais mariages parce qu’ils n’ont pas le choix », s’insurge-t-elle.

Des couples finissent par se lasser et quittent le Danemark, où il faut compter dix-neuf ans pour obtenir la citoyenneté. Physiothérapeute d’origine américaine, Miriam Thompson est l’une des fondatrices de l’association Fair Statsborgerskab !, qui conseille les candidats à la naturalisation. Pendant plus de trois heures, par visioconférence, elle explique les détails d’une procédure « kafkaïenne ». Les règles changent en permanence, souvent de manière rétroactive.

Depuis 2021, par exemple, une peine de prison ferme ou avec sursis empêche d’obtenir la nationalité danoise à vie, quels que soient les faits reprochés. Les aspirants à la citoyenneté sont d’ailleurs priés de lister le moindre de leurs péchés, au risque d’être accusés de fraude. En 2018, les députés ont décidé de réexaminer 21 000 naturalisations. Certains ont eu des sueurs froides : ayant oublié de déclarer un excès de vitesse, ils ont été menacés d’une enquête de police.

Pour ceux qui ne remplissent pas toutes les conditions, il reste une option : faire appel auprès de la commission de naturalisation du Parlement, composée de 17 députés. Mais seulement 2 % à 3 % des demandes aboutissent. « Les députés ne sont pas tenus de justifier leur décision », précise Thomas Borchert, journaliste germano-danois et cofondateur de Fair Statsborgerskab !. Il décrit un processus « grotesque, stupide et aléatoire, destiné à exclure le plus de gens possible, en particulier de certaines origines et religions ». Dans une interview en novembre 2021, la présidente de la commission, Marie Krarup, députée d’extrême droite, assumait ainsi de rejeter les demandes de candidats « aux origines musulmanes ».

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Depuis 2021, le projet de loi classe les candidats en quatre catégories, en fonction de leurs origines : les « Nordiques », les « Occidentaux », les « Menap » (pour Middle East, North Africa, Pakistan) et les « autres non Occidentaux ». Les députés se prononcent sur la liste entière, mais l’extrême droite voudrait organiser un vote séparé pour les « Menap ». La naturalisation n’est officielle qu’après la cérémonie organisée en mairie, avec poignée de main obligatoire. Face à la complexité du processus, « beaucoup de gens finissent par se demander s’ils ont vraiment envie d’appartenir à ce club qui ne veut pas d’eux », constate Miriam Thompson. Pour les jeunes nés au Danemark, les effets sont délétères : « Ils se sont toujours sentis danois, et tout d’un coup on leur demande de prouver qu’ils appartiennent à la société, ce qu’ils pensaient évident. Ce n’est pas bon pour l’intégration », commente Eva Ersboll.

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Le Monde

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