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L’Obs publie une série d’articles intitulée « La télé dans le rétro ». Cette semaine, «Julie Lescaut» qui  aura réuni plusieurs générations de Français, avec des pics d’audience pouvant culminer à 10 millions de téléspectateurs, entre 1992 et 2014. Avant de brutalement s’arrêter après 22 saisons et 101 épisodes. Le feuilleton policier, devenu messe cathodique du géant TF1, rassemblait plusieurs générations de Français derrière les aventures de la commissaire Julie Lescaut (Véronique Genest), mère et flic..

Force est de constater qu’aujourd’hui, ce que nous regardions il y a 30 ans nous paraît détonant, parfois choquant, souvent inadapté à la société contemporaine. Préparez-vous au choc des cultures...

Un projet scénaristique avec des limites, certes, mais qui offre malgré tout une bonne photographie de l’époque et de la place des femmes dans le monde du travail des années 1990. « Monsieur le commissaire », l’alpague un policier dès le premier épisode. « Qu’est-ce qu’elle veut au patron la petite dame ? », lui lance un suspect d’un air goguenard. Face à eux, l’héroïne Julie Lescaut tente d’imposer son style, et semble jongler avec les injonctions de l’époque : rester désirable et souriante, drôle même, malgré les offenses quotidiennes, asseoir son autorité et passer au-dessus de la présomption d’incompétence qui accompagne souvent les femmes dans le monde professionnel.

En témoignent les deux versants de l’intrigue, qui oscillent entre les enquêtes policières (une par épisode), et la difficulté de Julie à concilier vie professionnelle et vie de famille. « C’est […] cette présence conjuguée de problèmes de vie quotidienne et de société qui a d’emblée suscité l’adhésion du public et surtout celle d’un public familial », abonde l’auteur des romans. Julie Lescaut, avec ses soucis de mère lambda, suscite l’empathie et l’adhésion d’un public familial en quête d’ordinaire, de héros qui traversent les mêmes épreuves. […]

Autre singularité qui aurait pu effrayer les producteurs de TF1 : la nouvelle commissaire est mutée en banlieue, et devra se frotter aux délinquants et autres trafiquants de drogue. Dès les premières séquences, les flics et collègues de Julie Lescaut s’illustrent par des répliques qui flirtent avec le racisme et semblent surréalistes quarante ans plus tard. Comme dans le premier épisode où l’un des policiers, en présentant un de ses collègues à Julie Lescaut, se sent obligé de préciser : « Alors, confidence : c’est un Noir. »

Plus tard, un citoyen débarque, avec deux ados qu’il tient par le col : « Enfermez-moi ces petits merdeux, des petits voleurs », tonne-t-il. Les deux adolescents sont racisés – des personnes touchées par le racisme – comme le seront la plupart des suspects de la série. « Ici, on est coincés en sandwich entre le procureur et les bougnoules », résumera un autre collègue de Lescaut, pour définir la banlieue où il officie. En voiture, les yeux rivés sur la route, Julie Lescaut répliquera du tac au tac : « Faut dire qu’on ne leur facilite pas l’insertion. Entre chômage et ghetto, ils se rebiffent pour prouver qu’ils existent. »

Une bonne foi qui ne suffira pas à effacer les dizaines de personnages caricaturés jusqu’à l’absurde, à l’instar du « docteur savane, grand marabout africain » chez qui se rend l’équipe de policiers, ou d’un homme, racisé lui aussi, présenté comme malveillant… alors qu’il est la victime d’une bavure policière reléguée au rang de détail dans l’intrigue. […]

Cette vision d’une France à deux vitesses, divisée entre citoyens de seconde zone et Blancs, conduira la rappeuse Diam’s à écrire en 2008 que « ma France » n’est pas « celle qui vénère Sarko, intolérante et gênante/Celle qui regarde Julie Lescaut et regrette le temps des “Choristes” ».

Six ans plus tard, la série s’arrêtera définitivement après 101 épisodes et vingt-deux ans d’existence. Raison invoquée ? La chute de l’audience. En coulisse, un autre motif est évoqué, la volonté de Véronique Genest de se lancer en politique ; elle fut brièvement candidate suppléante, sans étiquette, aux législatives dans la 8e circonscription des Français de l’étranger. Depuis, c’est surtout pour ses prises de position islamophobes, puis antivax, que l’actrice a fait parler d’elle. D’icône, Véronique Genest est devenue une personnalité contestée et controversée. Une chute là aussi.

L’Obs

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