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Dans une tribune, Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS et auteur de « De la police en démocratie » (Grasset), explique, à l’heure où une nouvelle flambée de délinquance frappe la France, à quel point le ministère de l’Intérieur ne dispose d’aucun dispositif fiable pour appréhender le résultat de ses actions.

PREMIÈRE FACE : L’ENJEU POLITIQUE

(…)

DEUXIÈME FACE : LE PROBLÈME DE POLITIQUE PUBLIQUE

Le second visage de la délinquance, c’est le problème de politique publique : un ensemble de nuisances et de risque qu’il faut réduire. Aussi curieux que cela puisse paraître, ce visage de la délinquance n’intéresse pas le ministère de l’Intérieur. Ainsi, la police ne sait pas vraiment si les auteurs de délits et les crimes sont plus nombreux. Et pas non plus si les délinquants ont rajeuni (ce qui, depuis vingt ans que le slogan est répété, devrait pousser à des mesures au berceau si le phénomène était avéré). Et encore moins si les attaques au couteau s’envolent. Pourquoi ? Une raison est que les mineurs délinquants émeuvent beaucoup en période électorale, mais qu’on n’a construit aucun outil pour mesurer le phénomène en question.

On disposait bien d’enquêtes de l’Insee sur les victimes (suspendues depuis quelques années), mais pas de leur équivalent les « enquêtes de délinquance autodéclarée ». En France, elles n’ont jamais été jugées utiles, et surtout jamais utilisée. Gérald Darmanin l’a dit : « J’aime beaucoup les enquêtes de victimation et les experts médiatiques, mais je préfère le bon sens du boucher-charcutier de Tourcoing ». Ce qui compte : l’enjeu politique ! Cette posture, classique de tout ministre, n’a pas évolué aussi loin que je me souvienne.

LE JOB DE DIRECTEUR DE LA STRATÉGIE N’EXISTE PAS

Il faut bien avouer qu’avoir des indicateurs précis de la réalité n’aurait d’intérêt que si le ministère de l’Intérieur avait une stratégie. Or, ce n’est pas le cas. Malgré quelques tentatives éphémères, le job de directeur de la stratégie n’existe pas. Ce qui signifie qu’il n’y a pas d’instance officielle pour la produire, pas de « Recherche et développement », dans le vocabulaire du privé. Cela paraît improbable, mais je laisse le lecteur s’en convaincre par ses propres recherches. Faisons un parallèle : imaginons un constructeur automobile qui dirait « notre stratégie, c’est de déplacer les personnes ». Il aurait tort : une stratégie consiste à définir le véhicule utile pour réaliser certaines tâches, et voir comment il peut être fabriqué pour un coût raisonnable.

(…) Marianne

(Merci à BB)

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