27/05/2022
[…]Mais un groupe d’une douzaine d’universitaires canadiens ne croit pas à toute cette histoire.
“Pas un seul corps n’a été retrouvé”, a déclaré au Post Jacques Rouillard, qui est professeur émérite au département d’histoire de l’Université de Montréal. “Après (…) des mois de récriminations et de dénonciations, où sont les restes des enfants enterrés au pensionnat indien de Kamloops ?”.
Le porte-parole de Tk’emlúps te Secwépemc, Larry Read, a confirmé au Post cette semaine qu’aucun corps n’a encore été exhumé de l’école de Kamloops et qu’aucune date n’a été fixée pour commencer les fouilles. Il a ajouté que le rapport montrant les résultats du radar à pénétration de sol (GPR) n’a pas été publié par la communauté, mais qu’il pourrait l’être à un moment donné dans le futur.
M. Rouillard, qui a été le premier à défendre ce qu’il a appelé l’absence totale de preuves de l’existence de fosses communes dans un essai publié en janvier, ne nie pas que de graves abus auraient pu être commis dans les pensionnats.
Mais lui et d’autres personnes remettent en question le récit surchargé de l’école de Kamloops, selon lequel des enfants auraient été assassinés et enterrés dans ce qui, selon certains anciens élèves, était un verger de pommiers.
[…]Le 17 mai 2021, la communauté avait engagé Sarah Beaulieu, une jeune anthropologue de l’Université de la vallée du Fraser, pour scanner et étudier le site. Beaulieu a scanné le site entre le 21 et le 23 mai et le groupe a annoncé ses découvertes choquantes le 27 mai.
Mme Beaulieu a déclaré que les capteurs à distance avaient détecté des “anomalies” et ce qu’on appelle des “reflets” qui indiquent que des restes d’enfants pourraient être enterrés sur le site. Mme Beaulieu n’a pas répondu aux courriels envoyés par le Post.
[…]Comme M. Rouillard, Tom Flanagan, professeur émérite de sciences politiques à l’Université de Calgary, ne croit en rien à l’histoire.
“C’est la plus grande fake news de l’histoire canadienne”, a déclaré Flanagan au Post. “Toute cette histoire de tombes non marquées et d’enfants disparus a déclenché une panique morale. Ils en sont venus à croire des choses pour lesquelles il n’y a aucune preuve et l’histoire a pris vie d’elle-même.”
Étrangement, Rouillard, Flanagan et leurs associés ont une sorte d’allié en la personne d’Eldon Yellowhorn, professeur et président fondateur du département d’études indigènes de l’Université de Fraser Valley – là même où travaille Sarah Beaulieu.
M. Yellowhorn, qui a grandi dans une ferme de la réserve indienne de Peigan et dont plusieurs membres de la famille ont fréquenté les pensionnats, est à la fois archéologue et anthropologue. Il fait partie de la nation Blackfoot. Depuis 2009, il recherche et identifie les tombes des enfants autochtones ayant fréquenté les pensionnats du Canada, après avoir été engagé par la puissante Commission vérité et réconciliation du Canada.
Cependant, bon nombre des tombes qu’il a identifiées dans les pensionnats d’autres régions du pays proviennent de véritables cimetières et la façon dont ils sont morts n’est pas toujours claire.
Certains de ceux qui ont été trouvés avaient succombé à la maladie, a déclaré Yellowhorn, citant un cimetière où il est apparu que de nombreux enfants avaient péri de la grippe espagnole il y a un peu plus d’un siècle.
“Je peux comprendre pourquoi certaines personnes sont sceptiques quant au cas de Kamloops”, a déclaré Yellowhorn au Post. “Tout cela est très nouveau. Il y a beaucoup de désinformation qui circule. Les gens parlent sous le coup de leurs émotions”.
Pour Yellowhorn, les preuves réelles de la présence d’un charnier sur le site de Kamloops sont minces.
“Tout ce que le radar vous montre, c’est qu’il y a des anomalies ou des reflets”, a-t-il dit. “La seule façon d’en être certain est de retourner la terre et de vérifier ce qui se trouve en dessous. Nous ne sommes pas encore arrivés au point où nous pouvons le faire. C’est un travail énorme.”
Malgré son propre scepticisme, M. Yellowhorn affirme qu’il est tout à fait possible que si des fouilles sont un jour menées à Kamloops – de véritables restes humains soient découverts, un peu comme ce fut le cas en 2014 en Irlande après que le géoradar révéla des anomalies dans l’un des célèbres foyers pour mères et bébés du pays.
La professeure canadienne Frances Widdowson a déclaré que personne n’ose remettre en question les leaders autochtones au Canada de nos jours, ce qui rend difficile la vérification de leurs affirmations concernant les restes enterrés d’enfants.
Les gardiens du savoir, après tout, ne peuvent pas être remis en question, car cela serait perçu comme un “manque de respect””, a écrit Widdowson dans “The American Conservative” en février. Widdowson est un ancien professeur titulaire de l’université Mt Royal à Calgary.
Widdowson a écrit que les propos “macabres” sur les enfants autochtones enterrés circulent depuis plus de 25 ans et sont “maintenant fermement ancrés dans la conscience canadienne”. Mais elle ajoute qu’il n’y a toujours pas de preuves tangibles.
Les professeurs canadiens contestent également les rapports selon lesquels au moins 150 000 enfants indigènes furent contraints de fréquenter les pensionnats, ce qui est aujourd’hui accepté comme parole d’évangile au Canada.
Flanagan et d’autres affirment que ce chiffre est au mieux trompeur, car un grand pourcentage de parents indiens ont volontairement opté pour les pensionnats, car c’était le seul moyen pour leurs enfants de recevoir une éducation.
Tomson Highway, un Cri pur et dur, est un compositeur, auteur et pianiste canadien bien connu. Aujourd’hui âgé de 70 ans, il était le plus jeune d’une famille avec 12 enfants dans une tente plantée sur un banc de neige sur une île d’un lac dans le nord-ouest du Manitoba. […]
” J’y suis allé parce que mon père le voulait “, dit Highway à propos de son père, un chasseur de caribous et champion de traîneau à chiens qui était analphabète. “Mon frère aîné était également analphabète. Il ne voulait pas que la même chose arrive à nous autres, les enfants. Alors nous y sommes allés.”
Highway a dit que l’école Guy Hill n’était pas parfaite et qu’il a été témoin et victime de certains sévices [abuse].
Mais “je n’ai pas vu de morts étranges”, a-t-il dit. “La plupart des Blancs qui étaient là étaient gentils. L’éducation que j’y ai reçue… m’a préparé pour la vie.”
20/09/2021
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02/06/2021
La découverte des restes de 215 écoliers sur le site d’un pensionnat autochtone de Colombie-Britannique, a ravivé le douloureux débat au Canada sur ces institutions honnies, symboles d’une politique d’assimilation forcée des premières nations. […]
La découverte de restes dans une fosse commune, située dans un ancien pensionnat à Kamloops, a provoqué la « consternation » de la classe politique et des demandes de réparations. […] Les drapeaux sont en berne sur les bâtiments fédéraux et provinciaux, ils le resteront deux cent quinze heures à l’Assemblée nationale du Québec, une heure par enfant disparu. […] Selon la chef Rosanne Casimir, on ignore la cause de leur mort et à quand remonte leur décès, mais « certaines victimes n’avaient pas plus de 3 ans », a-t-elle affirmé. Des fouilles vont commencer pour exhumer les corps et tenter de redonner une identité à chacune de ces victimes.
« Comme Blanche, j’ai honte, comme mère, j’ai physiquement mal. Il y a des morceaux d’histoire qui sont si laids, si sales, que nous avons la responsabilité sacrée de nous souvenir », déclarait, dès l’annonce de la macabre découverte, la députée du Bloc québécois Marilène Gill, au bord des larmes, à la Chambre des communes. […]
Voir aussi : Pensionnat autochtone au Canada