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«Chez les catholiques pratiquants réguliers, le vote contestataire est désormais dominant»

ENTRETIEN – Une étude de l’Ifop pour La Croix montre que quatre électeurs catholiques sur dix ont voté Marine Le Pen ou Éric Zemmour, et 69% des musulmans pour Jean-Luc Mélenchon. Le politiste Yann Raison du Cleuziou, spécialiste des religions, analyse ces résultats.

Yann Raison du Cleuziou est politiste, maître de conférences à l’université de Bordeaux – Institut de Recherche Montesquieu.

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Si seulement 7 % des non-pratiquants ont voté Zemmour, ils sont 10 % parmi les pratiquants occasionnels et 16 % parmi les réguliers. Dans un contexte d’effondrement statistique, le catholicisme se recompose sur ceux qui restent, les plus fervents et conservateurs ?

Le score d’Éric Zemmour chez les pratiquants réguliers, soit plus du double de la moyenne nationale, montre une radicalisation de cette frange du catholicisme. Par ailleurs, une enquête pour La Vie de mars 2022 montrait que ce vote pour Zemmour repose sur une dynamique spécifiquement religieuse: 71 % des électeurs catholiques qui votent pour lui le font au nom de leurs convictions religieuses.

C’est très différent du vote Marine Le Pen puisque la candidate du RN obtient 21% chez les pratiquants réguliers, 26% chez les pratiquants occasionnels, et 29% chez les non pratiquants. Plus il y a un détachement de la pratique religieuse, plus le vote en faveur de Marine Le Pen augmente, au contraire du vote Zemmour.

Éric Zemmour a permis la structuration politique d’une droite catholique conservatrice, et par sa rhétorique (le «grand remplacement») il a contribué à la tirer vers l’extrême droite. Cela s’explique par plusieurs facteurs. Des facteurs politiques liés à la reconfiguration partisane d’abord. Les courants catholiques conservateurs, qui se sont réaffirmés depuis la Manif pour tous, se sont dispersés après 2013 dans tous les partis de droite. Dans ces formations, les catholiques conservateurs (Sens Commun chez LR, le Cercle Fraternité au RN…) ont été mis en échec et marginalisés. Éric Zemmour a accordé à ces réseaux catholiques conservateurs une place centrale, une notabilité qu’ils ne parvenaient pas à avoir dans leur précédent parti. Jean-Frédéric Poisson ou Laurence Trochu n’ont jamais eu autant d’exposition médiatique que depuis leur ralliement à Reconquête!.

Les catholiques conservateurs sont conscients du déclin du catholicisme mais ils ont le sentiment qu’ils sont les seuls à anticiper les effets sociaux profonds que ce déclin va susciter.Yann Raison du Cleuziou

Cet engouement repose aussi sur le positionnement d’Éric Zemmour et la manière dont il construit les enjeux politiques. Il accorde une place cardinale au catholicisme dans la définition des défis politiques que la France doit relever dans les prochaines décennies. Pourquoi ? Parce qu’il fait du catholicisme l’origine de l’identité nationale. Il en fait ensuite la matrice des formes de gouvernement qui existent en France, lesquels accordent une grande importance à la liberté politique et à la laïcité. Enfin, il en fait le marqueur des mœurs majoritaires. Par conséquent, pour Éric Zemmour, l’effondrement statistique du catholicisme pose des problèmes fondamentaux à la France. Et ces problèmes sont selon lui aggravés par des flux migratoires qui tendent à importer une autre forme de civilisation sur le territoire, une forme de civilisation qu’il identifie à l’islam. Ce discours a été abondamment mis en scène, et suscite un engouement certain chez les catholiques qui pensent que leur religion à une dimension civilisationnelle.

Les catholiques conservateurs sont conscients du déclin du catholicisme mais ils ont le sentiment qu’ils sont les seuls à anticiper les effets sociaux profonds que ce déclin va susciter. Cette indifférence les accable. Éric Zemmour vient leur apporter de la reconnaissance et les confirmer dans leur vision de la décadence de la France.

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