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Dans « La Grande Expérience », l’auteur germano-américain s’interroge sur la façon dont les démocraties font face à la diversité ethnique.

À l’expression « grand remplacement », entrée dans le lexique de l’extrême droite, il préfère celle de « grande expérience », qui suppose un caractère à la fois inédit par son ampleur et imprévisible. Les sociétés occidentales sont multiethniques, et c’est un fait irréversible.

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Le Point : Plutôt que de « grand remplacement », thème aujourd’hui en vogue, vous préférez parler de « grande expérience ». Ne sont-ce pas les deux faces du même phénomène, l’un pessimiste, l’autre optimiste ?

Yascha Mounk : Le grand remplacement contient trois idées : que la diversification ethnique de nos sociétés va mal finir ; qu’elle est un choix délibéré des élites pour éliminer le peuple « de souche » ; qu’il est possible de l’abandonner si l’on change de politique. Le changement démographique que nous vivons est certes un enjeu crucial, mais son issue peut être positive si l’on y répond adéquatement. Ensuite, la grande expérience n’est pas un test sur nos populations, plutôt un processus mis en marche depuis les années 1950 sans que quelqu’un l’ait choisi délibérément. Enfin, il est peu réaliste de revenir en arrière.

Est-ce irréversible ?

Nos pays sont déjà multiethniques. La seule manière de mettre fin à ce mouvement serait extrêmement cruelle : une guerre civile ou la persécution de nos concitoyens. La grande expérience consiste à reconnaître, comme après la Révolution française, qu’on ne sait pas très bien comment cela doit fonctionner, mais que cela doit fonctionner.

Le philosophe Pierre Manent a proposé dans « Situation de la France » de passer un contrat avec les musulmans français – une entorse à la vision républicaine. Est-ce une possibilité pour faire réussir la grande expérience ?

Non. L’idée que le statut social d’un citoyen devrait dépendre de son origine ethnique ou de ses croyances religieuses reviendrait à ce que les Français sont parfois prompts à pointer : une trahison des valeurs de la République. Et si on regarde l’Histoire, les conflits ne s’adoucissent pas dans les sociétés où le statut civique des individus dépend de leur origine ethnique ou religieuse. On a vu ce que cela a donné au Liban. Notamment parce que, ce faisant, on rend permanentes des divisions sociales liées à une époque particulière. Il faudrait plutôt interpréter nos principes fondamentaux d’une manière qui permette aux minorités ethniques ou culturelles de faire véritablement partie d’une société – par exemple de se sentir complètement français sans avoir l’impression qu’on ne puisse pas être en même temps complètement musulman.

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Le Point

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