Fdesouche

Islamologue de formation, spécialiste de la philosophie islamique classique, Michaël Privot est un ex-cadre des Frères musulmans en Belgique. Pendant cinq ans (2003-2007), il a fait partie du conseil d’administration (bureau exécutif) du FEMYSO (Forum of European Muslim Youth and Student Organisations), une fédération pan-européenne regroupant des organisations de jeunes islamistes. Après avoir quitté la confrérie islamiste en 2012, Michaël Privot a publié un livre autobiographique intitulé Quand j’étais Frère musulman, parcours vers un islam des lumières (éditions La Boite à Pandore, 2017).

– Comment avez-vous été recruté par les Frères musulmans ?

– Ce qu’on appelle la moukachafa, le fait de divulguer qu’on est dans une structure des Frères musulmans, m’a été faite environ un an après mon arrivée au centre culturel islamique à Verviers. Deux membres de son conseil d’administration appartenaient aux Frères Musulmans, tandis que les autres étaient des sympathisants. Les gens qui fréquentaient la mosquée ne l’étaient pas du tout. Les deux Frères occupaient des postes stratégiques qui leur permettaient de se dire : « on tient l’institution et on fait en sorte qu’elle reste sur un ligne oppsée au salafisme ». J’ai appris très vite qu’on luttait grandement contre le salafisme. Après, je me suis rendu compte qu’il s’agissait plutôt de nuances de gris.

Cette moukachafa s’est faite de manière indirecte, sur le ton « ah oui, en fait, ce sont les Frères Musulmans ici », mais il n’y a pas eu de reconnaissance directe. Je ne pense pas qu’ils étaient dans une phase de recrutement à ce moment-là. Je voyais simplement des gens motivés et au service de leur communauté et qui nous laissaient, à nous les jeunes, une grande marge de manœuvre pour agir. Je n’avais donc pas de raison particulière de me méfier. (…)

– Comment avez-vous intégré la direction du FEMYSO ?

– J’ai été repéré par un responsable des Frères Musulmans qui m’avait vu agir en Belgique. Il m’a demandé de l’accompagner au FEMYSO et m’a dit qu’il y avait une assemblée générale au cours de laquelle il avait besoin de quelqu’un comme moi. Il me propose de voyager en Italie où j’ai véritablement découvert ce monde européen de jeunes musulmans hautement éduqués. Une cinquantaine de personnes venant de toute l’Europe était présente, dont des parlementaires et il y a eu des discussions intéressantes sur la citoyenneté, l’avenir des jeunes musulmans en Europe. Ensuite, on m’a invité à participer à une session sur l’Islam et les droits de l’Homme, à Budapest, au centre de la jeunesse du Conseil de l’Europe. Pour moi, c’était un aboutissement. J’y suis allé sans trop savoir sur quoi j’allais tomber. Il y avait des étudiants très intéressants, mais j’étais choqué par la présence aussi d’une autre jeunesse bien plus conservatrice. (…)

– Comment les choses se sont-elles passées après votre élection à la direction du FEMYSO ?

– J’avais un engagement associatif que personne ne pouvait nier localement. Et au niveau européen, j’étais volontaire. Après, ayant été élu au conseil d’administration (le bureau exécutif comme ils l’appellent) du FEMYSO, j’ai fait deux mandats de deux ans (2003-2005, 2005-2007). Le FEMYSO était invité à siéger à la Fédération des Organisations Islamiques en Europe (FIOE), puisqu’il y avait un siège d’observateur. J’y suis parfois allé au nom du FEMYSO, c’était le plus souvent au président d’être présent, mais quand il ne pouvait pas, j’allais à sa place.

Ça m’a permis de rencontrer un peu toutes les ‘‘têtes pensantes’’ des Frères Musulmans européens. Puis, j’ai été amené à prendre part à des assemblées générales de l’actuelle Ligue des musulmans de Belgique, en 2006 et 2007. Et, de facto, j’étais alors considéré comme ‘‘Frère actif’’ (‘Amil’), sans qu’il n’y ait jamais eu de processus d’inclusion ou d’allégeance formelle (Bay’a) de ma part.

Je me souviens d’une fois avec le responsable belge et avec un des responsables principaux au niveau européen de la FIOE, qui s’appelle Ibrahim El-Zayat. Un sujet sensible devait être évoqué et El-Zayat a dit « Oui, mais Frère Michaël est là » et l’autre responsable a répondu « Frère Michaël est avec nous ». Zayat a rétorqué : « Ah, non ! Il n’est pas avec nous ». Genre pas au niveau « secret défense » ! Je n’étais donc pas habilité à participer à cette discussion. Je n’ai aucune idée du niveau d’habilitation nécessaire pour y participer. (…)

– Pourquoi des organisations comme le FEMYSO s’entêtent-elles à nier leur appartenance aux Frères musulmans, alors que c’est un fait établi ?

– Vu la connotation négative des Frères Musulmans, l’avouer dans les grands médias expose à de multiples critiques. On risquerait alors de perdre des partenariats. Peut-être que les instances avec lesquelles nous avons des contacts, tant au niveau européen ou local, dans les mairies, risquent de se rétracter. J’imagine que nombreux sont les intérêts matériels ou politiques de cette nature qui font qu’il valait mieux pour ces organisations de nier leurs liens avec les Frères musulmans. (…)

Global Watch Analysis

Fdesouche sur les réseaux sociaux