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Analyse de la candidature d’Eric Zemmour, sur le site musulman oumma, par le sociologue Ahmed Boubeker (Centre Max Weber, Lyon et Saint-Etienne).

 Il est notamment l’auteur avec Nicolas Bancel et Pascal Blanchard du Grand Repli (2015). Présentation de l’éditeur :

Ce livre est d’abord une réaction au processus qui mène la France au bord de l’abîme, sur fond d’angoisses identitaires et de nostalgie de grandeur. Comment en est-on arrivé là ? À cette fragmentation de la société, à ces tensions intercommunautaires, au ressac effrayant de l’antisémitisme, du rejet de l’islam et de la haine de soi ? Comment en est-on arrivé à une logique de repli généralisée ? Comment la France a-t-elle pu céder en quelques années à la hantise d’un ennemi intérieur et au rejet de l’immigration ? Comment expliquer les blocages de la mémoire collective sur la colonisation ou l’esclavage ?
Certes, nous ne sommes plus au « bon temps des colonies », mais certains ont la nostalgie de cet « ordre impérial », revendiqué comme l’idéal d’une « France blanche ». Et le mythe du « grand remplacement » va de pair désormais avec le fantasme du « grand départ » des immigrés issus des pays non européens et de leurs enfants. Nous en sommes là ! Il est grand temps de réagir.”

A l’approche de l’élection présidentielle, les 10 et 24 avril 2022, comment analysez-vous la candidature du polémiste Eric Zemmour et l’impact de son discours, notamment de sa théorie du « grand remplacement », sur l’opinion publique ?

Ce triste personnage m’évoque la célèbre formule de Brecht : « Il est toujours fécond le ventre qui enfanta la bête immonde ». Zemmour a quelque chose de monstrueux, entre Nosferatu le Vampire, Goebbels le ministre de la propagande nazi, Gargamel le sorcier ennemi juré des Schtroumpfs et le Golem de la légende juive, cette créature de terre glaise, animée par la magie des mots, qui finit par se retourner contre son créateur.

Car ce pseudo intello médiatique (historien autoproclamé) n’a jamais rien fait d’autre qu’agiter les formules toutes faites, qui enferment l’immigration postcoloniale dans le carcan des préjugés et le piège des mots. Des mots qui dénoncent à la vindicte publique sans autre forme de procès. Des mots d’apprentis sorciers qui appellent à l’existence les phénomènes qu’ils évoquent. Des mots qui sont aussi des « mots d’Etat », comme disait le sociologue Abdelmalek Sayad : car il ne faudrait pas oublier que ces coulées verbales participent des « catégories nationales » d’un entendement politique qui prétend à l’universel, mais qui a toujours ostracisé les minorités.

D’ailleurs, ô combien de Présidents de la République a-t-on entendu parler de « racailles », « d’odeur des immigrés » ou plus sournoisement de « seuil de tolérance », ou encore de « déchéance de nationalité » !  […]

Zemmour est un enragé du républicanisme, un enfant de l’Etat qui surfe sur les contradictions de notre modèle d’intégration, et qui s’est d’autant plus radicalisé qu’il est lui-même issu de la diversité.

Zemmour, je le rappelle, ça veut dire olive en Berbère, et si ce fruit symbolise la paix, il a un goût des plus amers avant d’être confit. Et c’est franchement une confiture qui pue la moisissure que cette mixture de zouaves, identitaires, lepénistes dissidents et autres illuminés du Puy du fou qui se retrouvent dans la génération Z et les soutiens du polémiste, sauveur de la vieille France des « chevaliers et des gentes dames ». […]

La construction publique du « problème musulman » prend ainsi un nouveau tournant avec l’idée folle de sa fabrique par le droit ! Il s’agirait ainsi de sanctionner, par la loi, une situation de fait : la citoyenneté de seconde zone de nationaux qui ne sont pas des Français comme les autres. Qui ne voit pas dans cette dérive la reconstruction postcoloniale de l’étranger ? Même Le Pen père n’en aurait pas espéré autant dans ses rêves les plus fous. […]

oumma

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