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LE FIGARO. – Un groupe de pensionnaires de la Villa a demandé le décrochage des tapisseries du grand salon, qu’ils trouvent offensantes. Pourriez-vous revenir sur les faits?

Sam STOURDZÉ. – Depuis deux ans environ, ces tapisseries raccrochées il y a une dizaine d’années suscitent des interrogations de la part des pensionnaires. En réponse, nous avons lancé à leur propos un travail scientifique inédit, coordonné par notre département de recherche en histoire de l’art, comparable à la journée d’étude du 20 septembre dernier, intitulée «La Tenture des Indes, à la croisée des regards historiques et artistiques», qui a réuni des universitaires et des artistes, parmi lesquels des pensionnaires ou d’anciens pensionnaires. L’objectif était d’expliquer l’origine de ces tentures, de questionner leurs représentations et de les analyser à l’aune du débat actuel autour des représentations de l’imaginaire colonial. Connaître, comprendre, discuter notre patrimoine, c’est la mission d’une institution dynamique, qui interroge son passé, regarde vers l’avenir.

D’où viennent ces tapisseries et que représentent-elles?

Celles-ci ont été offertes par Louis XV à l’Académie de France, à Rome. Les Indes étaient censées représenter une partie du monde considérée à l’époque comme «exotique», en l’occurrence le Brésil. Grâce au travail des chercheurs, plusieurs personnages ont été identifiés comme étant des dignitaires du royaume du Kongo envoyés en ambassade au Brésil pour chercher une alliance avec les Hollandais contre les Portugais. Dans d’autres scènes, ce sont probablement des esclaves originaires d’Afrique travaillant dans la colonie hollandaise.

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Quelles sont leurs raisons?

Leur prise de position s’accompagnait de l’explication suivante: «Elles sont issues d’une culture visuelle impérialiste qui, par le recours à l’exotisme, célèbre les violences colonialistes de l’Europe, l’esclavage, la surexploitation de la nature et la réduction d’êtres humains à l’état d’objets.» À ce titre, ils jugent problématique que ce soit l’unique représentation offerte au public au sein des salons qui accueillent aujourd’hui la majorité des événements culturels de la Villa Médicis. D’ailleurs, ces tapisseries n’ont pas toujours été là. Il y a dix ans, le Grand Salon était orné de grandes tentures abstraites à l’initiative de Richard Peduzzi.

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Seront-elles donc raccrochées après les travaux?

Nous avons un an pour continuer ce travail, car le choix de ce que l’on accroche dans ce lieu central contribue à l’image que renvoie la villa d’elle-même. Il est sain que les artistes qui l’occupent puissent interroger l’image du lieu. À l’issue des travaux de restauration, nous procéderons à un grand réaménagement des salons de réception, qui aujourd’hui manquent de décors et de mobiliers et dégagent une impression de vide. J’aimerais que la Villa Médicis se pose en lieu d’accueil et d’hospitalité, pour tous. Que son décor, ses aménagements racontent au visiteur les strates d’histoires qui habitent le lieu.

Le Figaro

Quelques oeuvres prises au hasard des pensionnaires actuels

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