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Plaider pour plus d’immigration n’est certainement pas à la mode en France. Pourtant, c’est ce que fait un groupe d’économistes, auquel nous avons participé, dans une toute récente note du Conseil d’analyse économique (CAE), organisme placé auprès du premier ministre et ayant pour mission “d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique”. Francesco Lissoni, professeur d’économie à l’Université de Bordeaux, et Ernest Miguélez, chargé de recherche au CNRS et à l’Université de Bordeaux, estiment que la France exploite mal les effets économiques positifs à long terme que pourrait lui offrir l’immigration.

À la suite d’un travail collaboratif incluant d’autres économistes, engagé depuis septembre 2020, la note conclut que l’immigration en France est moins qualifiée, moins diversifiée et moins nombreuse que celle d’autres pays développés. Les auteurs reviennent ainsi sur le contraste entre un débat public dominé par les questions identitaires et sécuritaires, et un consensus scientifique de plus en plus solide sur les effets économiques positifs de l’immigration, surtout ceux sur la croissance économique à long terme.

Parmi ces effets, ceux qui passent par les liens entre immigration et innovation font l’objet d’un focus accompagnant la note, qui résume les résultats des études internationales les plus récentes et fait le point sur la France (d’autres focus approfondissent le rapport entre migration et finances publiques ou le marché de travail, ainsi que l’impact économique de l’accueil des réfugiés).

Comment l’immigration peut-elle soutenir l’innovation des pays d’accueil ? L’évidence empirique met en évidence trois mécanismes. Le premier est celui du transfert des connaissances, qui a fait l’objet de nombreuses études historiques : depuis toujours, les mouvements migratoires des scientifiques, ingénieurs et entrepreneurs plus ou moins affirmés ont joué un rôle clé dans la diffusion des savoirs techniques, permettant aux pays d’accueil soit de rattraper leur retard par rapport aux pays d’origine soit de garder leur leadership en profitant de toutes opportunités d’innovation.

Deuxièmement, les jeunes migrants hautement qualifiés – surtout dans les domaines STEM (science, technology, engineering and mathematics) – complètent l’offre de travail des natifs, qui souvent ne suffit pas à satisfaire la demande des secteurs à plus haute intensité en recherche et développement (R&D). Parmi ces migrants, on retrouve en effet en grande partie les étudiants étrangers, qui à la fois soutiennent le système de formation supérieure du pays d’accueil (surtout dans les disciplines STEM) et peuvent en intégrer le marché du travail.

Enfin, la migration constitue une source de diversité au sein des équipes de R&D, ainsi que des entreprises et dans les grands centres urbains, ce que plusieurs études associent à une plus grande créativité et à plus d’innovation. Dans ce champ, la mobilité internationale interne aux entreprises multinationales joue un rôle aussi remarquable que celle caractérisant les réseaux scientifiques globaux.   […]

Il ne s’agit pas de remplacer les migrants actuels avec des autres. Cela n’arrangerait rien, car le volume de l’immigration en France est déjà faible (292 000 entrants en 2019, soit 0,41% de sa population […]. Il s’agit plutôt d’en enrichir la composition par pays et qualifications, à partir du constat que l’immigration, loin d’être un fardeau socio-économique, constitue une source puissante d’innovation et de croissance.

Le JDD

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