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Le cas de la country nous dit à la fois le décrochage et l’ampleur de l’américanisation de la société française et la puissance de ce phénomène qui a été capable de produire des imaginaires adaptés à chacune des îles de l’archipel français : en gros, il y a la country pour la France périphérique, le rap pour les banlieues, le Starbucks coffee et la startup nation pour la France des métropoles, et vous voyez que chaque catégorie sociale a son imaginaire américain. Les journalistes français rêvent de faire leur Watergate, les chauffeurs routiers français rêvent des trucks américains, les pompiers français envient les pompiers de New York, etc. Il y a un imaginaire américain qui a colonisé complètement la société française.

Vous prenez aussi l’exemple du kebab. Selon vous, on est parti du steak-frites dans les années 1980 au kebab aujourd’hui. Qu’est-ce que ça raconte ?

Le steak-frites fait de la résistance quand même, c’est encore l’un des plats préférés des Français, mais le kebab nous raconte beaucoup de choses. D’abord, ça montre le poids de l’immigration dans la société française qui a beaucoup transformé sa physionomie. Mais aussi le phénomène tout à fait spectaculaire d’ouverture aux influences étrangères de notre société. On a parlé de l’américanisation mais on ne s’est pas arrêtés là. Après la couche Yankee, il y a la couche orientale avec le kebab, le halal, les bars à chicha. Ces changements heurtent une partie de la population et le kebab est devenu un enjeu de joute politique entre une droite nationaliste qui fustige l’invasion des centre-villes français par les kebabs et une autre partie de l’échiquier politique qui se fait photographier en train de manger un kebab.

Vous voulez dire qu’il y a une peur d’un “grand remplacement” culinaire dans l’opinion ?

Quand on interroge les Français, notamment ceux qui sont tentés par Eric Zemmour, beaucoup adhèrent aux phrases : “On ne se sent plus chez nous comme avant”, “on ne reconnaît plus le pays”. C’est pour ça que dans notre livre on parle beaucoup des paysages parce qu’ils façonnent beaucoup notre représentation des choses. Le fait qu’on voit apparaître ce type de commerce dans certains quartiers peut constituer la preuve palpable, pour certains Français, de l’ampleur des transformations que le pays a connues, mais s’ils quittent le centre-ville où ils peuvent croiser des kebabs et s’ils vont en voiture dans les centres commerciaux qui entourent nos villes, ils vont voir aussi beaucoup de Buffalo Grill et autres, et donc que la transformation s’est faite dans de très nombreuses directions.

France Info

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