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Nivellement par le bas, mauvais comportements des élèves, tyrannie de la bienveillance… Comme de nombreux enseignants, Raphaël a décidé, à contre-cœur, de claquer la porte de l’Éducation nationale.

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Les savoirs que l’on devait enseigner étaient très mal vus ; d’ailleurs, on nous le dit dès le premier jour : « Vous êtes là pour éduquer, vous n’avez rien à transmettre ». On nous apprenait à corriger des copies sans enlever de point. Il nous était interdit de faire de la grammaire, de la conjugaison, de traduire des mots et de faire apprendre du vocabulaire en classe : « L’élève doit deviner par lui-même » ; « Le professeur est un chef d’orchestre, il doit mimer sans rien dire ». C’est ainsi que par la suite, je verrai ma tutrice mimer tout le contenu de son cours, attendant miraculeusement la conjugaison d’un verbe ou le sens d’un mot. Les élèves ne devinaient évidemment rien du tout et n’apprenaient au final pas grand-chose. « Ne pas rire, ne pas pleurer, comprendre », écrivait Spinoza. Je m’aperçus que le niveau général était catastrophique, l’ignorance profonde et que le français, langue maternelle de la très grande majorité de mes élèves, n’était pas maîtrisé : absence de syntaxe et vocabulaire réduit comme peau de chagrin.

Pendant les cours, les bavardages étaient permanents, les portables interdits ouvertement consultés et les retards acceptés tout comme les absences. Je notais aussi un comportement agressif, insolent de beaucoup d’élèves qui ne supportaient aucune critique, sans compter les tenues vulgaires et les attitudes outrancières de certaines jeunes filles gavées de télé-réalité qui n’étaient visiblement plus au lycée pour travailler.

Je me rendis compte très vite des pressions exercées sur les professeurs pour modifier une note jugée insuffisante par l’élève, par ses parents et même parfois par le professeur principal. Il était souvent exigé des notes entre 14 et 18 sur 20 pour un travail qui en méritait à peine 7 ou 8 parce que « machine veut faire médecine et machin veut faire Sciences Po ». Le professeur qui s’opposait à cette mascarade était alors accusé directement ou indirectement de vouloir gâcher l’avenir de ses élèves et menacé ensuite par la direction s’il persistait. Ces notes gonflées artificiellement comme des ballons à l’hélium entraînaient une réussite au bac quasi unanime grâce au contrôle continu (94 % pour l’année 2021) et, dans la foulée, une véritable flopée de mentions. Les moyennes générales très élevées des classes dans toutes les matières culpabilisaient, marginalisaient et isolaient les professeurs qui osaient mettre les vraies notes sur des copies indigentes devenues très majoritaires. Le zéro d’autrefois était bien sûr officieusement interdit. Pendant l’année, je constatai aussi à mon insu les changements d’appréciation sur les bulletins qui ne pouvaient être que « positives » ou « bienveillantes » : une main « bienveillante » et inconnue avait donc changé mes remarques pour mon plus grand bien et celui des élèves.

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Témoignage à lire sur Front Populaire

(Merci à Hussard)

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