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Dans cette note exclusive de l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès publiée par Le Figaro, Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier analysent les ressorts de l’abstention révélée par les régionales. Celle-ci n’est pas simplement l’effet de paramètres politiques ou techniques, mais est le produit d’une dépolitisation profonde qui touche à une rupture anthropologique.

(…) Tout se passe comme si au fil du temps, l’institution régionale avait été associée à la vaste sphère des services publics en en devenant un des rouages anonymes et bureaucratiques et n’apparaissait plus comme un lieu de pouvoir autonome et un centre de décision important. A contrario, il est intéressant d’observer qu’en Corse, où la Collectivité Territoriale cumule les compétences de l’instance régionale et celles des deux anciens Conseils départementaux, ce qui lui confère un poids politique, économique et social majeur dans l’île, l’abstention a été nettement plus faible que sur le continent (42,9%).

(…) À cette «neutralisation» progressive de l’instance régionale, est venue s’ajouter cette année une dépolitisation du scrutin. Traditionnellement, dans les élections régionales, la dimension nationale était largement présente, toute une partie de l’électorat se mobilisant pour sanctionner les représentants du parti présidentiel. Ces rendez-vous intermédiaires s’inscrivaient de surcroît dans un paysage politique structuré par le clivage gauche-droite. Ces repères sont désormais nettement moins opérants et la grille de lecture moins lisible. La majorité présidentielle ne disposant pas de sortants, le ressort du vote sanction, utile levier de mobilisation n’a pas pu être actionné cette année. D’autre part, le bel ordonnancement gauche/droite a été percuté par l’irruption du macronisme, qui a entraîné des reclassements individuels et a complexifié le paysage. À cela s’est ajoutée une campagne atone, perturbée par la persistance de l’épidémie et peu investie par la majorité présidentielle, qui bien qu’ayant dépêché des ministres ici ou là, avait sciemment fait le choix d’enjamber ce scrutin qui s’annonçait difficile.

(…) De la même manière que la messe dominicale a été remplacée par la sortie du dimanche chez Ikea, le passage par le bureau de vote n’a pas résisté à l’appel du barbecue en famille (le premier tour des régionales se tenait le jour de la fête des pères), aux départs en week-end (la soirée du dimanche 20 juin était classée rouge par Bison futé dans le sens des retours dans les principales agglomérations françaises ) ou aux sorties dans les magasins pour profiter des ventes privées précédant les soldes du 30 juin (du 14 au 20 juin, les montants payés par cartes bancaires ont été 18% supérieurs par rapport à la même semaine en 2019, et les ventes en magasins physiques ont été supérieures de 16% à leur niveau pré-crise ). À l’image des prêtres ayant de plus en plus de mal à recruter des enfants cœur pour servir la messe dans des églises désertées, les mairies peinent à trouver des présidents et des assesseurs pour tenir des bureaux de vote très faiblement fréquentés.

Le Figaro

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