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Le mouvement #metooinceste a mobilisé de nombreux témoignages, suite à la publication du livre La Familia grande par Camille Kouchner. Beaucoup de personnes se sont livrées sur les réseaux sociaux pour raconter leur histoire, parfois pour la première fois. Le hashtag a mené Louz, du collectif de féminisme décolonial Nta Rajel, a posté sur Instagram une réflexion au sujet de l’inceste et les spécificités pour les victimes racisées. Nous l’avons longuement interviewée pour en savoir plus sur les enjeux impliqués.

L’inceste est encore un sujet tabou dans notre société. qu’en est-il de l’inceste vécu par les victimes racisées ? quels sont les enjeux reliés ?

Pour les victimes racisées, il y a une véritable difficulté à parler et par extension à agir pour se protéger de son agresseur vu l’importance que prend la famille dans un contexte de domination blanche. La famille constitue – avec ses défauts et ses défaillances, je ne l’idéalise pas – un premier rempart contre le racisme. Quand on est victime d’inceste, parler revient à remettre en question toute l’organisation d’une famille, il ne s’agit pas uniquement de dénoncer telle ou telle personne mais d’interroger sa place dans le groupe. À côté de cela, il y a des personnes qui auront été au courant et qui n’auront rien dit, qui auront été victimes aussi et qui seront donc impliquées d’une autre façon. Cela va forcément engendrer énormément de complexité et de conflits, de séparations, de violences. Il est normal d’appréhender ce genre de situations et de ne pas vouloir s’y confronter, les victimes d’inceste le savent mieux que quiconque. Ajoute à cela les chiffres de l’association AIVI : dans 9 cas sur 10, la victime se retrouve exclue au profit de la cohésion familiale. Donc la dénonciation va engendrer un tel désordre que pour préserver ladite cohésion familiale, on va préférer écarter la victime de façon consciente ou inconsciente. Tout est établi pour ne pas remettre en question la cohésion familiale et garder l’équilibre tel qu’il existe avec les rôles genrés, classique d’une famille hétéropatriarcale. L’exclusion qui arrive dans la majorité des cas est un luxe que ne peuvent souvent pas se permettre les personnes racisées qui par définition sont exposées au racisme et pour lesquelles la famille constitue une ressource vitale.


Quelle est la raison de cette complexité ?


Là je vais me concentrer sur les communautés nord-africaines/musulmanes parce que ce sont celles que je côtoie et que je réfléchis. Je rappelle que nous sommes dans un contexte postcolonial et post migratoire, un contexte de domination blanche aussi. La famille devient non seulement un premier rempart contre le racisme mais également le premier lien avec nos origines, nos langues, nos religions et nos cultures. C’est notre premier espace de vie, de vraie vie, où nous ne sommes pas dans la constante survie et la justification de notre humanité. L’enjeu n’est donc pas uniquement d’être écarté de sa famille mais de perdre le lien avec son héritage culturel, religieux et linguistique, avec son héritage familial.

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Urbania France

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