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En novembre 2020, la police délogeait sans ménagement, voire avec violence, y compris sur les militants d’ONG et les journalistes, les migrants venus camper sur la place de la République. Ces scènes qui ont choqué l’opinion étaient le résultat du démantèlement raté d’un campement situé à Saint-Denis. En 2021, le gouvernement a décidé de disperser non plus a posteriori mais en amont les demandeurs d’asile, conformément au « schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’’intégration des réfugiés 2021-2023 », application de la loi asile et immigration adoptée en 2018.

Constatant que l’Ile-de-France concentre 46 % des demandes d’asile alors qu’elle n’abrite que 19 % des 107 274 places d’hébergement, chiffre qui a doublé depuis 2015, le schéma prévoit de diriger systématiquement les migrants vers d’autres régions, réputées en capacité de placer ces personnes à l’abri.

Ceux-ci devront y stationner « le temps de l’examen de sa demande d’asile » et ceux qui s’y refuseraient seront privés du pécule que leur verse l’Etat (204 euros pour ceux qui sont hébergés, 426 pour les autres). En conséquence, les 4 500 nouvelles places créées cette année seront donc toutes situées hors de la région parisienne. Ainsi Auvergne-Rhône Alpes devrait donc voir augmenter de 9 % à 13 % sa part dans l’hébergement des demandeurs d’asile. Bourgogne et Bretagne verront leur effort doubler…

L’extrême droite a rapidement pris pour cible le « plan Schiappa », du nom de la ministre déléguée à la Citoyenneté en charge de ce dossier, prédisant un flux mensuel de 2 500 « clandestins » quittant la capitale pour submerger les régions, dans le but de « cacher l’ampleur des flux migratoires ».

L’application du  nouveau dispositif bénéficiera peut-être de la pandémie de Covid qui a réduit les flux migratoires l’an dernier. Les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur font en effet état d’une baisse de 20,5 %, quasi historique, de la demande de titres de séjour. La pression sur le système serait donc réduite de près d’un cinquième, ce qui n’empêche pas le ministère de l’Intérieur d’interdire le passage d’une quinzaine de  cols pyrénéens pour faire face à un hypothétique afflux.

La dispersion permettra-t-elle de mieux intégrer les migrants, demandeurs d’asile ou non, et à quelles conditions, d’éviter la répétition d’incidents ? Alternatives Economiques a interrogé Didier Leschi et Delphine Rouilleault, deux spécialistes de l’accueil des migrants.

Didier Leschi : « Organiser géographiquement la prise en charge sociale »

Directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), auteur de Ce grand dérangement. L’immigration en face ( collection Tracts, Gallimard, 2020).

En 2021, l’Etat a l’intention d’orienter énergiquement les demandeurs d’asile vers les régions, afin de désengorger l’Ile-de-France. Une volonté qui provoque les protestations d’élus de droite…

Le schéma national est la codification publique de ce qui se pratique déjà ! C’est une fausse polémique montée par des élus qui nous font la même chose qu’au moment de l’évacuation de la « lande de Calais » en octobre 2016, lorsque nous avons évacué près de 8 000 personnes, déjà dans une répartition nationale. Ils disaient : « Vous allez créer des mini-Calais partout. » Cela ne s’est pas produit.

Mais il s’agit aussi d’une amplification, puisque plusieurs milliers de personnes devraient être concernées par des transferts ? Et n’est-ce pas une manière de rendre les migrants invisibles, donc de supprimer le problème politique qu’ils posent ?

Je pense que là encore, il s’agit d’une fausse polémique. L’an dernier, l’Ofii a procédé à plus de 40 000 orientations dans le dispositif national d’accueil, dont 80 % en région. Imaginer qu’orienter les personnes, c’est les rendre invisibles parce qu’on les fait quitter la région parisienne, c’est absurde….

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