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Yaya, Saïd et Abdelkader, trois sans-papiers âgés de 21 à 35 ans arrivés clandestinement de Mostaganem (Algérie) à Toulouse il y a quatre mois, n’ont, sans doute, pas compris pourquoi leur procès en comparution immédiate pour deux cambriolages et le recel de clés de voitures volées, a été dépaysé au palais de justice de Montauban, ce mardi.

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S’étant introduit vers 3 heures du matin dans une maison dont la porte vitrée a été laissée ouverte, Abdelkader, le plus âgé des trois, n’est pas effrayé par la présence des propriétaires assoupies dans leur lit. Ce qu’il ignore, c’est que la victime n’est autre que l’une des magistrates du parquet de Toulouse.

“C’est son souffle sur mon visage qui m’a réveillé alors qu’il était en train de me voler mon portable dans notre chambre à coucher”, témoigne très émue la substitut ayant tenu à assister à l’audience. La scène de ce cambrioleur au-dessus de cette femme endormie dans sa chambre, n’a pas manqué de bouleverser l’assistance jusqu’aux avocats de la défense.

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Le plus jeune de la bande Yaya, cheveux décolorés en blond rabattu à l’arrière, s’effondre en larme lorsque les réquisitions de deux ans à trois ans d’emprisonnement ferme avec interdiction définitive du territoire national, tombent. La vice-procureure Anne Gaullier qui se défend d’être influencée par la profession de l’une des victimes pour prononcer un tel quantum, parle “d’un mode de vie, même d’un choix de vie” tourner vers “le vol”. La magistrate poursuit: “Ils viennent d’un pays qui n’est pas en guerre… La filière de Mostaganem est connue: ils savent que durant le temps d’instruction de leur demande de droit d’asile, ils toucheront 440 € par mois.”

Même son de cloche du côté de Me Thevenot, avocat de la magistrate et de son compagnon dont il est l’associé. “Ce ne sont pas de petits voleurs à la sauvette… Ma cliente a été réveillée avec ce visage hostile au-dessus d’elle dans ce qu’il y a de plus intimes, sa chambre à coucher”, plaide l’avocat toulousain.

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“Il ne mérite pas cette peine exemplaire”, s’exclame Me Jessica Chefaroudi dont le client est le seul à reconnaître les faits. “Ils font partis des 200 000 qui traversent au péril de leur vie la Méditerranée tous les ans”, plaide Me Amélie Villageon assumant pleinement son engagement à avocat sans frontières (ASF).

À rebours des débats tenus durant l’audience, l’avocat droit-de-l’hommiste se lance dans un plaidoyer difficile au vu des circonstances. “Certes l’Algérie n’est pas en guerre. Et pourtant, Amnesty International condamne régulièrement le pays pour des atteintes aux Droits de l’Homme. Un pays ou l’homosexualité est un délit, ou le viol conjugal n’est pas reconnu, un pays ou les manifestants au régime, sont torturés!”, soutient l’avocate montalbanaise. Et de conclure: “Mon client a rêvé d’un avenir meilleur en France, il n’est que la victime de la filière. Les passeurs qui profitent de ce business, ne sont pas là. Voilà la réalité!”

Après plus d’une demi-heure de délibéré, le tribunal revient aussi à plus de réalisme en condamnant le trio de 6 à 15 mois d’emprisonnement ferme assortis à l’issue de leur peine d’une interdiction définitive du territoire. Un délibéré interrompu par Yaya qui avec la candeur de ses 21 ans, ose demander à la présidente s’il peut rentrer au “bled” directement sans passer par la case prison…

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