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"Pourquoi tu fais la gueule comme ça ?" Au hasard : Parce que je ne peux pas être dans la rue et tranquille ? Que même quand je n’ai pas l’air aimable, vous m’emmerdez tous les 10 mètres ? Que si je fais l’erreur de sourire, vous serez le double à me tomber dessus ? Que je ne me souviens plus la dernière fois que je suis sortie de chez moi plus de 5 minutes sans qu’un homme m’importune ? Que je suis en vigilance constante, à vous surveiller sur la gauche, sur la droite, devant, derrière ? Comme une proie ? Que quelques instants plus tôt, j’ai dû faire de mon bras un bouclier pour éviter que vous ne me murmuriez je ne sais quoi à l’oreille ? Que je regrette le confinement et la ville presque vide de vous ? Que je sens vos yeux sur moi et que j’y lis ce que vous imaginez ? Que ce que vous imaginez, vous me le crachez à la gueule souvent ? Que j’ai dû apprendre à esquiver vos mains ? Que je me fais violence pour garder la tête haute sous vos regards lubriques ? Que sortir est une lutte, que trop de mes sœurs n’osent plus, trop ont peur, trop renoncent ? Que quoi que je fasse, porte, dise, je suis votre cible, une chose que vous commentez, validez, invalidez, dévisagez, harcelez, agressez, touchez, insultez, draguez, rabaissez, menacez, effrayez, jugez, complimentez, reluquez, suivez, attrapez ? Parce que je suis une femme. Et que dans la rue, je ne suis pas votre égale. . #harcelementderue #stopharcelementderue #toutenuedanslarue #touslesjours

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"Ça se voit que t'es raciste." J'ai hésité à poster cette vidéo. Un peu redondant, je me disais. Mais c'est le propre du harcèlement de rue : c'est répétitif, c'est systématique, c'est systémique, c'est tous les jours. Cette séquence témoigne d'une chose dont j'ai envie de parler : la justification du refus. Même quand on éconduit le plus poliment du monde, presque à chaque fois, il faut se justifier. Le refus en lui-même ne suffit pas : il faut le motiver. Sinon, le mec lui cherche des causes : ici, mon racisme supposé. Mais dans le genre il y a : "Pourquoi, je te plais pas ? Tu me trouves moche c'est ça ?" Ou : "T'as un mec ? Pas grave je suis pas jaloux." Ou : "T'aimes pas les hommes ?" Ou (celle-ci date d'hier, j'ai adoré) : "T'es féministe ? J'aime pas les féministes, je suis hoministe moi." Pas de bonne attitude, face au harcèlement de rue, on doit choisir entre la peste et le choléra. Ignorer et passer son chemin : provoque des réactions potentiellement violentes + en ce qui me concerne, me met en colère contre moi-même – je me sens faible, j'ai le sentiment de me laisser faire, de ne pas être alignée avec mes convictions. Parfois, je n'ai pas l'énergie de réagir. Parfois, je n'ai pas le temps (dites-vous que ce trajet de moins de 10 minutes m'a pris presque 1 heure un soir où j'ai décidé de ne laisser passer aucune remarque). Parfois, je n'ai pas l'énergie de ne pas réagir. Dire gentiment non : provoque des réactions potentiellement violentes + ne désamorce généralement pas le mec + nécessite une bonne dose de self control (clairement, quand c'est le 1er je peux encore, quand c'est le 15e je dégaine rapidement mon majeur). Réagir plus vivement : provoque des réactions potentiellement violentes + en ce qui me concerne, énormément de frustration, de rage, parce que je n'arrive pas à me faire entendre, ça me vide, ça me dégoûte, j'ai envie d'hiberner, mais de les faire saigner avant. Refuser est TOUJOURS un risque. Ces interactions (m')épuisent. . #harcelementderue #stopharcelementderue #toutenuedanslarue #touslesjours

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"Ça m'a marquée à vie. J'avais tout juste 17 ans. C'était dans le tram, en pleine journée. J'étais avec ma cousine, heureusement." A. m'a envoyé 3 vidéos de ce mec – je n'en mets qu'une, elle est éloquente. Dans les messages que je reçois, les victimes témoignent de leur traumatisme. Lourd, parfois. Une autre chose récurrente : la vulnérabilité. Ça mérite qu’on s’y arrête 2 secondes. Dans la rue, j’ai conscience que la majorité des hommes que je croise sont plus forts que moi. Ce sentiment de vulnérabilité, il a été engraissé par mon vécu. Ce mec très grand qui me bloque la route, à 2 heures du matin, dans une rue vide. Cet autre, qui me suit dans mon immeuble et m’attrape le bras. Cet ado qui me balance une tarte violente, parce que je lui ai mis une claque en réponse à sa main sur mes fesses. Ce type qui me soulève, en boîte, parce que je refuse de danser avec lui… J’ai appris à me méfier sur le tas, affûté ma vigilance sur le terrain. C’est usant, le soupçon perpétuel. Ça serait plus simple si vous, les hommes, faisiez l’effort de comprendre que dehors, vous êtes perçus comme une menace potentielle par nous, les femmes. On nous apprend depuis gamines qu’on doit faire attention : "Rentre pas seule tard le soir." On écoute d’une oreille, puis on se prend la réalité en pleine face. Oui, c’est dangereux, dehors, et sortir est un risque. Une analogie parlante : l’animal qu’on frappe, et qui mord la main qui veut le caresser. Vous lui en voulez, de pas avoir fait la différence ? Une autre (qu’on doit à @olympereve <3) : la peur des requins. C’est 7 morts par an en moyenne, les requins, c’est rien, pourtant ça fait peur, les requins. Bref. Au lieu de vous plaindre parce que "on ne peut plus draguer" : ayez un peu d’empathie, impliquez-vous, éduquez-vous, éduquez les autres. Faites attention à votre attitude, dehors : cogitez, c’est du bon sens. Et peut-être que dans le monde d’après, vous n’aurez plus une tronche de menace ambulante "juste" parce que vous êtes des hommes. [Je suis désolée si je n’écris pas de manière suffisamment inclusive avec mes « les femmes » et « les hommes » 🥺❤️] . #harcelementderue #toutenuedanslarue #touslesjours

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"Regarde ses fesses." Ce soir, je suis de bonne humeur (ça m'arrive). Je prends sur moi quand j'entends le commentaire sur mon boule. Clarification : rien ne justifie que je reste courtoise, et l'attitude que j'adopte n'est aucunement un exemple à suivre – si dans une situation similaire vous avez envie de casser des dents, c'est légitime. Oui, il s'est excusé. Oui il a même fini par dire qu'il y songerait à deux fois, à l'avenir, avant de se comporter comme il l'a fait (petit espoir ?). Mais je vous laisse imaginer ce que cela requiert de self control, de mon côté, de mener ce genre de discussion. On a blablaté plus longuement, il m'a raccompagnée sur quelques mètres. Selon lui, j'ai des problèmes avec les hommes à cause de mon corps, et c'est une fatalité. J'ai donc des problèmes, littéralement, parce que j'existe. Mal barrée. Puis on s'est quittés en bons termes. (Et j'ai été emmerdée tout le reste du chemin, les autres mecs qui étaient dans le coin ont vu la scène et cru que c'était open bar, puisque je m'étais laissée aborder – rapaces 🦅) Je suis convaincue qu'éduquer est une des solutions. Mais c'est dur. Ça prend du temps, de l'énergie, ça nécessite un certain caractère, de ne pas avoir peur, ou pas trop. Ça demande des choses qu'on ne peut exiger de la part des femmes qu'on harcèle dans la rue. À ceux, rares mais pugnaces, qui ont condamné mon agressivité sur la dernière vidéo : je vous emmerde 🦙 C'est le comportement des harceleurs qu'on doit juger, pas celui des victimes. . #harcelementderue #stopharcelementderue #toutenuedanslarue #touslesjours

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Je suis folle de rage. La plupart du temps, ça m'exaspère, mais ça ne m'ébranle pas – j'ai l'habitude. Là, si. Sur le moment, j'ai eu envie de pleurer et les jambes qui tremblaient de frustration. Mais le pire, je crois, c'est que je m'en suis voulu. Parce que si j'avais simplement fait abstraction du "compliment" de cet abruti, il ne se serait rien passé de plus que moi agacée et lui fier comme un coq. Parce que j'ai "surréagi". Parce que je m'aperçois que ma patience et ma tolérance sont vidées, que je n'ai plus la force d'être courtoise, bien élevée, mesurée. Parce que je n'aime pas la femme que je deviens, mon agressivité, la tête que je tire, mes soupçons perpétuels, la violence que je sens frémir. Parce que je me dis que cette situation, je l'ai provoquée, j'en ai eu "envie" – j'avais besoin d'exploser. Parce que je suis en train de me pourrir le quartier où je vis : ils me reconnaissent. J'ai peur qu'ils me punissent de ne pas être un fantôme docile. Je m'en suis voulu, et je vous en veux. À vous, les passants, les connaissances, les proches, qui m'invitez à détourner le regard, jouer la surdité. "Calmez-vous mademoiselle ! Ça ne sert à rien. Faut pas les écouter." Comme si c'était à moi de me maîtriser pour éviter que ça dégénère. À vous, les hommes "bien", qui ne vivrez jamais ça, qui avez besoin qu'on vous montre pour nous croire. Et qui, quand on vous montre, jugez que ce n'est pas si dramatique. "Il ne t'importune pas, tu l'ignores et voilà, on peut pas interdire aux gens de regarder et de parler." À vous, qui me suggérez de déménager. On est à Paris, en 2020, MERDE. Et à vous qui essayez de déplacer le problème pour servir vos petites idées racistes, pour vous blanchir, ne pas vous remettre en question, dévier l'attention du vrai sujet : vous ne valez pas mieux, je vous méprise. Je suis fatiguée. (Ironie de l'histoire : le jeune de la première vidéo postée sur ce compte, "J't'imagine sur mon matelas", m'a défendue. Ensuite, il s'est excusé – il était bourré, c'est sorti tout seul, et "ça se fait pas, je suis désolée, je parlerais pas comme ça à ma sœur".) . #harcelementderue #stopharcelementderue #toutenuedanslarue #touslesjours

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