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Pays pauvre, la Mauritanie se distingue de ses voisins du Sahel confrontés à la violence de groupes armés djihadistes, mais elle reste minée par les divisions ethniques et la hiérarchie selon la couleur de peau. Dans un contexte social tendu, la jeunesse trouve refuge dans la foi et dans la musique.

«La Mauritanie, c’est du pur racisme ! Tout le monde le sait, mais personne n’en parle, c’est interdit !» Ibrahim, Abdallah, Mohamed, Amadou et Ahmed, à peine 20 ans, sont assis en rond sur des chaises bancales installées dans la rue devant la maison de la tante d’Ibrahim, autour d’une petite bouteille de gaz posée sur la terre battue. Amis depuis l’enfance, ils ont donné un nom à leur joyeuse bande : Free like a bird (« libres comme un oiseau »). […] C’est Ahmed qui fait le thé et Abdallah qui parle, alternant le français et le peul (appelé pulaar en Mauritanie). À quelques mètres, des enfants jouent au football, pieds nus dans la poussière. «En haut, il y a les Beïdhane, les Maures blancs. C’est eux qui ont tout. Ensuite, nous, les Négro-Africains [il montre avec son index la peau de son avant-bras]. Et, encore en dessous, il y a les Haratine. Ils sont maures eux aussi, ils parlent la même langue que les Beïdhane, mais ils sont noirs comme nous [il refait le geste de l’index]. En fait, ce sont les anciens esclaves des Beïdhane, et aujourd’hui ils sont encore plus méprisés que nous.» […]

Malgré cette réserve, et en dépit de l’interdiction faite aux chercheurs d’étudier ce sujet, une constatation visuelle s’impose : dans chaque administration, une fois dépassé le niveau des subalternes, seuls demeurent des Beïdhane. Quant aux nombreuses boutiques du centre-ville, elles appartiennent presque exclusivement à des Beïdhane, de même que toutes les banques et toutes les entreprises. «Et, dans l’armée, institution qui constitue l’ossature du régime, les postes de généraux sont détenus en quasi-totalité par des Maures blancs», complète la sociologue Amel Daddah. […]

À Kaédi, petite ville encore plus à l’est, Hossein, Mokhtar et Salem font tourner un modeste atelier de réparation d’automobiles. Les deux premiers sont haalpulaaren (pulaarophones), le troisième hartani (arabophone). Ils tiennent le même discours : «Ici, la justice, c’est zéro virgule zéro ! Toute la justice, c’est pour les Maures blancs. Si tu rencontres le moindre problème avec un Maure blanc et que vous allez au commissariat, c’est toi qui as des problèmes. Le Maure blanc rentre tranquillement chez lui, et toi tu restes au poste.» […]

Le Monde diplomatique

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