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Les accusations


Invisibilisation. Comment ça marche ? Revenons au contexte de production de l’article publié dans Politis. Comme beaucoup d’intellectuelLEs blancHEs, Laurence de Cock est habituée à occuper tous les terrains. Ainsi, elle en vient à s’exprimer sur tous les sujets avec le confort, la légitimité et les certitudes conférées par la position hégémonique qu’elle occupe, qu’elle le veuille ou non. Débarquant en vacances en Martinique, elle décide pour des raisons qui lui appartiennent (à moins qu’il ne s’agisse d’une commande) de profiter de l’occasion pour publier dans un canard de gauche quelques considérations bien senties sur la situation socio-politique martiniquaise, en gardant l’angle historique qui est le sien. Bien entendu, s’il ne s’était agi que d’une note d’un carnet de voyage personnel, les réactions n’auraient pas été les mêmes. Publier dans un journal d’audience nationale confère à tout écrit un statut particulier. Malaise du voyage exotique ? Culpabilité coloniale latente ? Incapacité à se détendre pendant des vacances ? volonté de se distinguer du flot des touristes par la mise en scène d’un voyage intelligent ? Pourquoi avoir choisi ce sujet-là précisément ? Peut-être qu’en débarquant, à la recherche d’un sujet un peu chaud et susceptible de titiller les esprits métropolitains a-t-elle rencontré quelqu’un qui lui a parlé de cette histoire… peut-être que c’était un lecteur ou une lectrice des articles de Zaka Toto…

La révélation de l’antériorité de l’enquête publiée par ZIST (par ailleurs bien plus complète et intéressante!) met en évidence une série de mécanismes de l’invisibilisation des paroles non-blanches. Il n’y a rien de nouveau ici, et ce sont des choses qui ont été largement discutées depuis des décennies. Mais cette affaire du jour est un cas d’école. La mécanique de l’invisibilisation découle notamment de la stratégie d’occupation hégémonique de l’espace médiatique par les blancHEs. C’est une chose de profiter de son pouvoir pour porter une parole rare et critique dans des espaces hostiles ou difficiles d’accès. C’en est une autre que d’en profiter pour s’exprimer toujours avec la même autorité sur n’importe quel sujet, en conservant sa posture et sa légitimité d’intellectuelLE, même lorsqu’on ne connaît rien (ou presque) au sujet sur lequel on s’exprime. Cette boulimie suractive ne fait que renforcer l’hégémonie culturelle blanche alors même qu’elle se pose en critique de cette hégémonie. Curieusement, les intellectuelLEs blancHEs s’avèrent toujours « meilleurEs spécialistes » que les autres. Ne parlons même pas des personnes qui n’ont que leur légitimité de classe (populaire) à monnayer ou leur statut minoritaire : les autres les parlent toujours mieux. On l’a vu en études de genre à l’université où soudain des mecs hétéros blancs se découvrent une fibre féministe d’autant plus vibrante qu’elle ne remet rien en cause des traditionnels rapports de force inégalitaires dont ils bénéficient par ailleurs. Bénéfice matériel et symbolique, on gagne à tous les coups. Mais quand on critique l’hégémonie, un des enjeux lorsqu’on a du pouvoir est de savoir aussi l’utiliser pour « faire de la place aux autres », y compris au prix de la perte de ses privilèges. Autrement dit, dans le cas qui nous préoccupe, utiliser l’accès à Politis pour rendre visible ce qui existe déjà avant et sans l’intervention blanche néocoloniale.

(….) De l’autre Côté

La ligne de défense

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