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Ankara a été écartée de l’opération américaine qui a abouti à l’élimination du chef de Daech, retrouvé à moins de 5 kilomètres du territoire turc.

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L’éphémère « calife » de Daech, que l’on pensait caché quelque part dans la zone désertique entre la Syrie et l’Irak, là même où a pris fin son « califat » en mars dernier, avait en réalité trouvé refuge dans un village de 7 000 âmes situé à Idleb, à moins de cinq kilomètres de la frontière turque.

« La Turquie doit nous fournir des explications », a réagi dimanche Brett McGurk, l’ancien envoyé de la Maison-Blanche pour la coalition anti-Daech en Irak et en Syrie, dans une tribune au Washington Post. « Baghdadi n’a pas été retrouvé dans ces régions traditionnelles dans l’est de la Syrie ou dans l’ouest de l’Irak – mais simplement à quelques miles de la frontière turque, et dans la province d’Idleb, qui a été protégée par une dizaine d’avant-postes militaires depuis le début de l’année 2018 », a rappelé l’ancien diplomate américain. […]

La résidence où a été retrouvé le « calife » djihadiste appartient à Abou Mohamad Salamé, un membre de Tanzim Hurras ad-Din, organisation issue de Hayat Tahrir al-Cham (HTS). Anciennement connu sous le nom de Front al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, HTS s’est allié à partir de 2015 à d’autres groupes islamistes et d’anciens membres de l’Armée syrienne libre pour former l’Armée de la conquête et s’emparer du nord-ouest de la Syrie aux dépens du régime syrien. « L’Armée de la conquête, dont faisait partie HTS, a été entraînée en Turquie et alimentée en armes et en combattants par Ankara », rappelle le géographe Fabrice Balanche, maître de conférences à l’université Lyon-2 et spécialiste de la Syrie.

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« Il existe aujourd’hui des liens établis entre HTS et les services de renseignements turcs du MIT et rien de ce qui se passe dans cette zone ultrasensible n’échappe à leurs oreilles », poursuit Fabrice Balanche. Selon le New York Times, Abou Bakr al-Baghdadi se trouvait à Baricha depuis plus de trois mois. « Il est donc difficile d’imaginer que HTS n’ait pas su qu’Al-Baghdadi se cachait dans la zone et que les Turcs n’en étaient pas informés », souligne le géographe.

S’il apparaît que les services de sécurité irakiens et kurdes ont effectivement fourni des renseignements clés à Washington, obtenus de la part d’anciens compagnons de lutte d’Al-Baghdadi, pour permettre de localiser le chef de Daech, il n’en va pas de même pour Ankara, qui a été tenue écartée de l’opération, selon les révélations du magazine Newsweek, le premier à avoir annoncé le décès d’Abou Bakr al-Baghdadi.

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Plus étrange en revanche, le fait que les États-Unis n’aient pas utilisé pour leur opération la base aérienne d’Incirlik, pourtant principal site de l’organisation en Turquie, située à 200 kilomètres de la ville de Baricha, pour privilégier celle d’Erbil, dans le Kurdistan irakien, à 700 kilomètres de là. « Il est révélateur que l’armée américaine ait choisi de lancer son opération à des centaines de miles en Irak, alors qu’elle disposait d’installations en Turquie, un allié de l’Otan, juste de l’autre côté de la frontière », pointe l’ex-diplomate américain Brett McGurk dans sa tribune au Washington Post.

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LePoint

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