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La ville de Saint-Denis a accueilli le mois dernier la première Marche des Fiertés LGBT organisée dans une banlieue française, avec l’ambition de combattre les LGBTphobies sans verser dans le racisme ou le mépris de classe.

Entre crachats, insultes, agressions verbales et physiques commises à un rythme quasi-quotidien, être homosexuel·le en banlieue relèverait-il d’une mission impossible ? C’est en tout cas ainsi que le présentent les nombreux articles et ouvrages, souvent assortis de témoignages éprouvants, qui se sont penchés sur la question. Car les LGBTphobies qui s’exercent dans les périphéries populaires des grands centres urbains intéressent beaucoup plus médias et responsables politiques que celles qui peuvent être subies ailleurs, dans les zones rurales ou semi-rurales, les quartiers bourgeois ou les centres-villes. Il n’y a que pour les banlieues que l’on juge qu’une approche territorialisée est pertinente pour appréhender des oppressions diffuses qui irriguent, sous des formes diverses, l’ensemble de la société. Un traitement d’exception de plus, qui n’est évidemment pas sans lien avec le regard fortement teinté de racisme (islamophobie, arabophobie et négrophobie notamment) et de mépris de classe qui pèse sur ces territoires et leurs habitant·es. Cette focalisation sur les banlieues et les agressions qui s’y commettent a aussi pour effet de réduire les LGBTphobies à la seule expression de la violence physique, effaçant par là leur dimension institutionnelle et étatique. L’idée selon laquelle la vie des homosexuel·les en banlieue ressemblerait au septième cercle de l’enfer de Dante s’est ainsi imposée avec une force telle que la nuancer un tant soit peu passe souvent pour une forme d’aveuglement idéologique ou de déni dangereux qui ferait le jeu du Rassemblement National.

C’est pourtant contre cette doxa que s’est créée la première Marche des fiertés en Seine-Saint-Denis qui s’est déroulée dimanche 8 juin dans la préfecture séquano-dionysienne. Une initiative que l’on doit à l’association Saint-Denis Ville au Cœur, fondée en 2017 par des jeunes et des étudiant·es pour « améliorer l’image » de la cité des rois de France. « Pas l’image de la municipalité [communiste, ndlr], mais celle de ses habitants », précise d’emblée Youssef Belghmaidi, qui se définit comme « une femme trans non-binaire, issue de l’immigration marocaine et pauvre » et fait partie des organisateurs et organisatrices de l’événement. Ces dernier·es sont toutes et tous des personnes directement concernées par les LGBTphobies (même si Saint-Denis Ville au Cœur n’est pas une association spécifiquement LGBT). Dans leur charte d’engagement, ils et elles estiment que « les discriminations envers les personnes LGBTQI+ sont présentes en France comme dans le monde et Saint-Denis n’y fait pas exception » mais combattent néanmoins « l’idée que les discriminations contre les personnes LGBTQI+ seraient un problème spécifiquement lié aux banlieues populaires ». Leurs revendications, très vastes, mêlent lutte contre les LGBTphobies, la sérophobie, la grossophobie et le validisme, ouverture de la PMA à tou·t·es, interdiction des mutilations des personnes intersexes, droit d’asile pour les exilé·es LGBT et refus de « la stigmatisation des quartiers populaires et de leurs habitants » ainsi que de « toute récupération des luttes LGBTQI+ à des fins racistes et classistes ». La Charte a été signée par de nombreuses associations, parmi lesquelles Act Up-Paris, SOS Homophobie, David et Jonathan, Le Refuge, l’Inter-LGBT, Filles de luttes, le Collectif Irrécupérables, Femmes en Lutte 93, HandiQueer, la Ligue des droits de l’homme, Ardhis, la Women’s March Paris, le Centre LGBT Paris Île-de-France, Acceptess Transgenres, AIDES, Bi’cause

« Notre lutte est aussi une lutte des classes, qui se veut féministe, antiraciste, révolutionnaire et anticapitaliste », poursuit Youssef. […] Youssef également a trouvé les prises de parole « très inspirantes » et se dit, comme les autres organisateurs et organisatrices, « globalement très satisfaite » de cette première. Au point de réfléchir à lui donner une suite. Rendez-vous donc peut-être l’an prochain, toujours à Saint-Denis.

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