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En fait, si les médias occidentaux évoquent si peu ou minimisent même l’activité d’Al-Qaïda en Syrie et ailleurs – où la maison mère jihadiste demeure fort active (Somalie, zone « AfPak », Afrique sub-saharienne, etc) – c’est en fait parce que les pays occidentaux et en particulier les Etats-Unis ont souvent joué un rôle fort trouble avec les groupes jihadistes sunnites et les jihadistes d’Al-Qaïda en particulier. Pour approfondir ce sujet à la fois crucial et polémique, Alexandre del Valle a rencontré l’expert du renseignement et du Moyen-Orient Maxime Chaix, journaliste indépendant, auteur d’un livre incontournable sur la genèse de l’islamisme terroriste et les relations ambiguës entre les Etats-Unis et l’islamisme radical sunnite (La guerre de l’ombre en Syrie, ed Erick Bonnier).

Dans un ouvrage central, Le Soleil d’Allah, le général Pierre-Marie Gallois, éminent stratège et géopolitologue initiateur de la force de frappe nucléaire française, dénonçait déjà, en 1996, en s’appuyant sur les cas de l’ex-Yougoslavie et de la guerre en Irak, les compromissions occidentales et en particulier américaines avec l’islamisme radical. D’une certaine manière, sa thèse et sa grille de lecture sont encore valables aujourd’hui pour désocculter la stratégie pour le moins étrange des Etats-Unis et de l’Occident en Libye, où les forces de l’islamisme ont été en 2011 objectivement appuyées face au régime de Mouammar Kadhafi, puis a fortiori, depuis 2013 en Syrie, où maints groupes rebelles islamistes et même liés à Al-Qaïda ont été appuyés par des pays occidentaux et surtout par Washington. […]

Et tandis que les Occidentaux affirment avoir vaincu DAECH en Irak et en Syrie par des bombardement pourtant massifs mais supposés « propres », les Russes et leurs alliés syriens et iraniens sont accusés de « crimes contre l’Humanité ». Deux poids deux mesures… Le point de vue d’un expert comme Maxime Chaix est plus utile que jamais.

Alexandre del Valle : Vous pointez en effet des dysfonctionnements dans le traitement médiatique occidental de la guerre en Syrie – un constat récurrent dans votre livre. Dans le contexte de l’actuelle offensive d’Idleb, constatez-vous des dysfonctionnements similaires ?

Maxime Chaix : Outre le fait que les djihadistes de l’ex-Front al-Nosra à Idleb ne sont presque jamais montrés dans les médias occidentaux, ces derniers oublient que cette branche d’al-Qaïda en Syrie avait initialement conquis cette province au premier trimestre 2015 grâce à la CIA et à ses partenaires occidentaux et moyen-orientaux.En effet, cette coalition de services spéciaux appuya cette offensive d’al-Nosra et de ses alliés depuis le Sud de la Turquie, en livrant notamment des missiles antichar TOW de fabrication américaine aux rebelles. À l’époque, cette offensive victorieuse des djihadistes faisait craindre à Damas la chute de Lattaquié, qui est le fief ancestral de Bachar el-Assad. Au sud du pays, les rebelles soutenus dans le cadre de cette opération coordonnée par la CIA menaçaient de prendre la capitale syrienne durant l’été 2015, comme le Washington Post le rappela en juillet 2017. Or, le journaliste à l’origine de cet article oublia de mentionner le fait que les factions progressant alors vers Damas et Lattaquié étaient respectivement l’« État Islamique » au sud-ouest, et une coalition de groupes armés menée par les djihadistes du Front al-Nosra et d’Ahrar al-Sham au nord-ouest. Durant cet été 2015, les analystes de la CIA et les planificateurs du Pentagone commencèrent à anticiper ce qu’ils appelaient un « succès catastrophique », puisqu’il aurait amené les rebelles djihadistes à renverser Assad sans toutefois créer un gouvernement fort et modéré. Au final, en janvier 2019, différents spécialistes et journalistes occidentaux déplorèrent la reprise d’Idleb par l’organisation Hayat Tahrir al-Sham (HTS), dont l’ancien nom est le Front al-Nosra. Ils oublièrent pourtant de rappeler le rôle central de la CIA et de ses alliés dans la prise initiale de cette province par la branche d’al-Qaïda en Syrie et ses soutiens au premier trimestre 2015.
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Certes,les services spéciaux français ont participé à cette opération de changement de régime, mais ils étaient intégrés dans un plus vaste dispositif coordonné par la CIA, cette agence s’appuyant principalement sur des fonds saoudiens durant sa campagne syrienne – selon des révélations du New York Times publiées en janvier 2016. Le Qatar, la Turquie et la Jordanie furent également cités par ce journal comme d’importants bailleurs de fonds de cette opération, cette liste de financeurs étatiques n’étant pas exhaustive.
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