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[…] Entretien avec Eric Sandlarz, psychanalyste, psychologue clinicien au Centre Primo Levi, un centre de soins à Paris destiné aux personnes victimes de la torture et de la violence politique dans leur pays d’origine et aujourd’hui réfugiées en France. Ces personnes sont reçues par une vingtaine d’intervenants (médecins, psychologues, kinésithérapeutes). L’organisme très réputé a une liste d’attente de six mois minimum. En 2018, plus de 46.700 personnes (mineurs inclus) ont été placées sous la protection de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) au titre du statut de réfugié et de la protection subsidiaire, un chiffre en hausse de 9% par rapport à 2017.

Eric Sandlarz, qui sont ces mineurs isolés étrangers en France ?

Eric Sandlarz : […] On ne parle plus aujourd’hui de mineur isolé, mais de mineur non accompagné, on ne cesse de faire se succéder des sigles, des acronymes pour désigner ces jeunes et au fur et à mesure des désignations, on perd de plus en plus les enjeux. Quand on passe d’isolé étranger à non accompagné, on ne parle plus du tout des mêmes choses. Que « l’étranger » saute et que « l’isolé » saute, ce qui saute c’est ce qu’ils éprouvent eux, d’être des étrangers pour les autres et d’être étranger à eux même, précisément parce qu’ils sont isolés. Donc de passer d’un acronyme à l’autre, on peut déjà s’arrêter et se focaliser là-dessus et se rendre compte que cette évolution linguistique acronymique banalise des enjeux cruciaux. […]

Quand on parle de ces jeunes, on parle de quelle tranche d’âge ?

Ça va de 10 ans à 22 ans. Massivement, cela touche une population qui a entre 12, 13 ans jusqu’à 20, 22 ans. Sachant que s’ils sont reconnus majeurs, c’est-à-dire au-delà de 18 ans, ils sont censés ne pas être pris en charge. Donc, quand je dis « une population qui va de 12 à 22 ans » c’est parce que je prends en compte tous ces jeunes errants qui ne sont pas nécessairement reconnus comme mineurs isolés ou mineurs non accompagnés parce qu’ils ont 19 ou 20 ans, suivant un âge osseux qui est mesuré, comme le Conseil d’État vient de le dire, avec une marge d’erreur de trois à 18 mois. […] Les jeunes finalement se protègent et protègent ceux à qui ils ont affaire pour pouvoir s’intégrer le plus vite possible pour obtenir leurs papiers, apprendre le français et avoir une formation…

Ils sont les représentants de notre merveilleuse humanité, donc parmi eux, il y a des gens très intelligents, très fins, mais cela n’est pas pris en compte, en général on leur propose d’être « techniciens de surface ». […] Je me souviens d’un jeune dont le père était infirmier et qui voulait être infirmier. Son père avait disparu dans la pièce d’à côté, massacré, il avait tout entendu, il avait douze ans. Jamais on n’a accepté qu’il fasse des études d’infirmier. Car c’est trop long, ça coûte trop cher et tout cela est un gâchis économique monumental. On prend en charge ces jeunes avec l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et il y a une pression massive pour que ce soit liquidé à leurs 18 ans. Quand la prise en charge des mineurs majeurs ASE s’arrête, ils sont sortis des hôtels, des foyers et mis à la rue. […]

Il y a des populations particulières chez ces mineurs isolés étrangers ?

Il y a plein de populations différentes. Vous avez toute la problématique des prostituées nigérianes qui ont entre 12 et 22 ans. Autre exemple, vous avez ces Marocains de 12-13 ans, polytoxicomanes, qui ont amené la police du XVIIIe arrondissement de Paris à faire appel à des policiers du Maroc pour essayer de traiter le problème, car eux-mêmes étaient complètement dépassés. Ces gamins de 12-13 ans sillonnent l’Europe, vous les mettez dans un foyer et le lendemain ils sont partis. Ils fonctionnent en grappe, il n’y a pas de sujet, ce sont des grappes, comme des enfants soldats, et travailler avec une grappe, c’est très compliqué. Donc, il y a plein de psychologies comme cela, différentes les unes des autres.

Ce qu’on observe actuellement, c’est une augmentation massive des Afghans et des Guinéens qui sont la deuxième population plus importante de mineurs isolés en France… Une autre histoire différente, ce sont ceux qui fuient leur pays pour ne pas être victimes de l’excision, car sur ce motif en France, on peut obtenir le statut aujourd’hui, et cela concerne énormément de femmes africaines.

Comment on survit en France ? […]

RFI

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