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Pour l’écrivain, il n’y a pas d’imaginaire européen. L’UE n’a pas voulu ou pas su se définir. Elle n’a ni culture ni identité communes, ni héritage. Il existe bien une classe européenne transnationale cultivée, mais aucun imaginaire commun qui permettrait de toucher une population plus large.

Bien avant d’être dans la lumière avec son dernier roman, la Disparition de Joseph Mengele (Grasset), couronné par le prix Renaudot en 2017 et gros succès de librairie, Olivier Guez arpentait les pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale pour des reportages ou des essais (l’Impossible Retour. Une histoire des Juifs en Allemagne depuis 1945, Flammarion, 2007 ; la Chute du mur, avec Jean-Marc Gonin, Fayard, 2009). Originaire de Strasbourg, germanophone, il est tantôt à Vienne tantôt à Budapest, plus souvent à Berlin, tentant de combattre son pessimisme chronique par un humour bien à lui, comme en témoigne son premier roman, les Révolutions de Jacques Koskas(Belfond, 2014) dont le héros rêvait de ressusciter l’Empire austro-hongrois. Ces temps-ci, Olivier Guez rêverait plutôt de ressusciter l’idée d’une culture européenne, déplorant que les Etats ne s’en donnent pas davantage les moyens.

 

Vous avez presque fait le tour du monde depuis un an pour accompagner la publication des traductions de votre dernier roman. Voyez-vous se dessiner une culture européenne ?

Non, il existe des cultures nationales, régionales, mais une culture transnationale ou paneuropéenne, cela n’existe pas ou plutôt cela n’existe plus. Cette culture a existé au début du XXe siècle : dans l’art, quand Paris attirait les peintres de toute l’Europe ; dans la littérature, avec des auteurs comme Thomas Mann ou Stefan Zweig. La culture était alors traversée par des thématiques réellement européennes.

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Qu’est-ce que les pro-européens pourraient mettre en avant pour «vendre» le projet européen ?

C’est bien là le problème, l’Europe telle qu’elle est ne fonctionne plus guère. Le modèle de société véhiculé par l’Union européenne est un modèle ultradaté conçu dans les années 80, au tout début de la mondialisation. Nul n’imaginait ses effets ni l’impact de la révolution numérique sur nos vies. Le dernier grand chantier de l’UE, c’est l’euro, il y a une vingtaine d’années. Il n’y en a pas eu d’autres depuis, alors que tout a changé. L’UE s’adapte bon an mal an et applique des rustines à chaque fois qu’une crise éclate. C’est grave, nous avons perdu une génération. On est au milieu du gué, à la merci de tous les vents violents. Impossible de faire machine arrière, même les Anglais n’y arrivent pas, impossible d’avancer. Il manque un horizon et il faut assumer notre identité. Quand on va chez un psy, on raconte d’abord son histoire. Acceptons notre héritage gréco-romain et judéo-chrétien, le passé musulman de la péninsule Ibérique et des Balkans. L’Europe a fait des choses extraordinaires avec les Lumières et des abominations avec le colonialisme, le communisme et le nazisme.

Pourquoi le populisme prospère-t-il autant ?

Parce qu’il continue de s’appuyer sur l’idée d’Etat-nation dans le cadre d’un grand récit. Or, l’Etat-nation, c’est une fiction, il a été balayé par l’ouragan de la mondialisation. Les populistes se raccrochent à cette fiction, ça rassure leurs électeurs même si ça ne correspond plus à rien. L’Europe est aujourd’hui composée de quelques méga-capitales quasi indépendantes, des entités typiquement mondialisées. Le seul Etat-nation qui existe aujourd’hui, c’est la Corée du Nord, qui vit en autarcie et n’a que des références nationales.

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L’échange dans son intégralité sur Libération

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