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L’historien Jean-Pierre Rioux publie Nos villages: Au cœur de l’histoire des Français (Tallandier, 2019). Il dépeint cette spécificité française que fut la «société villageoise», pour comprendre que c’est parce que celle-ci est une réalité que la victoire des grandes métropoles a été ravageuse en France.

FIGAROVOX.- Qu’est-ce qu’un village ? Est-ce une spécificité française ?

Jean-Pierre RIOUX.- C’est un «lieu non fermé de murailles, composé principalement de maisons de paysans», disait le Dictionnaire d’Émile Littré en 1873. Depuis le Néolithique, l’âge gallo-romain puis le Moyen Âge, le village est devenu peu à peu, nous disent les archéologues et les historiens, un chef-lieu physique, religieux, économique et social, paroissial puis communal, pour les hameaux, les écarts et les fermes isolées des alentours. Mais aussi un lieu de passage avec entrée et sortie au bord de chemins et de routes qui conduisent à une ville.[…] Il y a bien, en effet, une spécificité de la France villageoise, comparée à l’Italie des villes, à l’Allemagne ou l’Angleterre de la révolution industrielle brutale, qui ont malmené et marginalisé plus vite leurs mondes ruraux. Cette singularité est d’abord d’ordre démographique, car la France a été jusqu’au XIXe siècle le pays le plus peuplé d’Europe occidentale, avec plus de 80% de sa population dans les campagnes et où, ne l’oublions pas, la population des villes n’est devenue majoritaire qu’à partir des années 1930. Il y a donc un très fort atavisme rural, qui a nourri l’économie, la société, les territoires, la mémoire, les nostalgies et les imaginaires à la française. Paysans, artisans et commerçants de cet immense domaine ruralisé ont laissé des traces physiques et humaines indélébiles: les paysages variés et sans cesse remodelés, les clochers et l’Angélus, les arts et traditions populaires, les greniers bourrés d’archives et d’objets privés, les patrimoines propres à chaque province et région, les fêtes champêtres réhabilitées et le culte des «racines», etc…). Ce qui, notons-le, a rendu plus buissonnière et décentrée une «identité» nationale que certains tiennent pour innée et inflexible ; plus ravageuse la victoire définitive, au XXe siècle, des grandes villes puis des métropoles, qui aujourd’hui commandent tout, relèguent et appauvrissent des «territoires» encore plus ou moins ruraux. […]

Suite de l’entretien : Le Figaro

Le titre retenu pour l’article FDS est celui du Point

Merci à : L’Habitat Rural — & aux Gnomes

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