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Nul ne peut l’ignorer, l’année 2019 sera l’occasion de multiples célébrations des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci. À cette occasion notamment, le château de Chambord voit les choses en grand. Le président de l’établissement public, Jean d’Haussonville, ne déclarait-il pas récemment : « Je voudrais au passage m’assurer que d’un point de vue scientifique, on puisse démontrer que Chambord est l’œuvre de Léonard de Vinci, ce qui rendrait le domaine encore plus fascinant. [1] ». Une hypothèse jamais vérifiée devenant presque une vérité qu’il fallait absolument prouver !

Le grand chantier que souhaite mener Jean d’Haussonville sur Chambord, et qu’il cite dans une interview récente de la Nouvelle République, est détaillé dans un dossier distribué à la presse. Il consiste, nous citons ce dossier, en « la restitution des plombs et dorures des lanternons de Chambord ». On y lit que « dès 1539 sous François Ier, la dorure à la feuille des lanternons de Chambord est attestée par plusieurs témoignages ». Mais aussi que « cet état a perduré jusqu’en 1577 ». Ce qui signifie qu’il n’existe plus depuis la seconde moitié du XVIe siècle.
Non seulement cet état a disparu depuis quatre siècles et demi, mais on ne connaît son existence que par « plusieurs témoignages » ; et le dossier de presse reproduit pour argumenter une enluminure des Très riches heures du duc de Berry représentant le Louvre, un siècle avant la construction de Chambord, ce qui témoigne du sérieux de la chose ! Bref, on n’en sait à peu près rien des lanternons d’origine.

Mais comme à Versailles (pire encore qu’à Versailles car les documents sont ici quasiment inexistants), rien ne doit arrêter les reconstitutions (plus que) douteuses. Même pas la Commission nationale des monuments historiques, instance consultative qui a été saisie du dossier, et qui s’y est opposée de manière unanime (élus, fonctionnaires, personnalités qualifiées et associations), ce qui est assez rare.
Jean d’Haussonville ayant présenté son projet devant cette commission, était sorti pour la laisser débattre. Mais de débat, il n’y en eut pratiquement pas, l’énormité de la chose ayant fait bien rire tout le monde, et la décision de la refuser ayant été prise très rapidement. Des témoins (plus précis que ceux qui attestent des toits dorés) nous ont dit comment le président de l’établissement public avait immédiatement, et devant eux, annoncé contacter l’Élysée pour se plaindre de cette mauvaise manière.

On pouvait tout craindre de la proximité de Jean d’Haussonville et d’Emmanuel Macron, le premier ayant reçu le second pour son anniversaire dans « son » château (voir cet article du Monde). On avait raison.
Le vendredi 23 novembre avait lieu le Conseil d’administration de l’établissement public, pendant lequel s’est déroulé cette scène étonnante : la lecture d’une lettre envoyée par le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron expliquant qu’il avait demandé au ministre de la Culture Franck Riester de valider les travaux. Travaux, donc, qui avaient été refusés par la Commission. On en est là, mais l’autorisation peut tomber à tout moment si le ministre obéit au Président. (…)

La Tribune de l’Art

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